Tunisie: Le syndicalisme politisé, l'autre nom de la dictature

 Tunisie: Le syndicalisme politisé, l'autre nom de la dictature

Pour certains lecteurs, le titre pourrait paraitre un peu paradoxal, mais j’exposerais dans ce qui suit une grille de lecture qui s’adapterait à cette annonce, avec l’intention aucune de soulever des polémiques. Cet article est seulement motivé par la volonté de préserver le mouvement syndical et sa noble mission, un des bastions de la démocratie.

Une dictature légitimée !

Le quartette du dialogue national a visiblement abouti à une alliance tacite et contre nature entre le syndicat « unique » des travailleurs, et le syndicat « unique » des employeurs.

Le dialogue national a été un tournant majeur, bien que transitoire, dans les relations entre les deux organismes, qui ont pu aligner leurs intérêts, parfois, aux dépens de la Tunisie, en établissant une complémentarité, par effet de miroir, intéressante pour les deux mais pas nécessairement pour le pays.

Il en a abouti, aussi, un gouvernement provisoire composé de « Technocrates » qui a été imposé par les deux groupes…un état de fait indéniable.

La fameuse révision des nominations dites partisanes, fut lancée : UNE ENTREPRISE QUI A FAIT TRIMBALLER BIEN DES COMPÈTENCES AU GRÉ DES CAPRICES DES DEUX ORGANISMES.

Ainsi, ne furent nommés ou épargnés que ceux et celles qui trouvent grâce aux yeux des deux organisations et qui servent leurs intérêts corporatifs, cantonnant de fait la puissance publique au rôle d’un exécutant, faisant fi de ce corollaire :

…LA PUISSANCE PUBLIQUE NE DOIT JAMAIS ÊTRE MISE À PROFIT DE LA VANITÉ DE PETITS MARQUIS NI PRISE EN OTAGE…

Augmentations Salariales: La Règle des Deux Poids Deux Mesures !

Les négociations sur les augmentations salariales furent entamées et conclues rapidement pour le secteur privé : une augmentation de 6% effective le mois de septembre 2014.

Quant au secteur public, les négociations salariales trainent encore…puisque, parait-il, les départements ministériels ne sont pas encore sous le contrôle et la coupe des deux syndicats. Et d’ajouter, si augmentations salariales il y a, celles-ci ne seraient effectives qu’en 2015…

Bien que, et dans un contexte d’incertitude budgétaire, le « syndicat unique »  exigeât d’être payé en avance en ce qui concerne les cotisations des adhérents…ainsi, ce dernier a reçu, début 2014, des chèques de toutes les institutions publiques, concernant les cotisations de ses adhérents pour toute l’année 2014, suite à une circulaire de la chefferie du gouvernement…une première dans le monde…

CETTE FOIS LE DÉPARTEMENT CHARGÉ DES FINANCES N’A PAS EU LES OURSINS DANS LE PORTE-MONNAIE, QUAND IL S’AGIT DE DÉBOURSER AVANT TERME DES MILLIONS DE TND AU «SYNDICAT UNIQUE»…

Alors que les fonctionnaires ont encore en travers de la gorge l'épisode de l’ajustement des impôts, le gouvernement provisoire a décidé par oukase, la ponction obligatoire d’un jour de salaire des fonctionnaires de l’Etat pour financer, parait-il, la campagne électorale de la pléthore de partis politiques…Encore, chez le « syndicat unique », c’est silence radio !

Les Grèves : Levier de Pression !

Les grèves, qui ont enregistré une record historique en 2012-2013, lors du mandat de la troïka, ont subitement cessé, et je parle ici des grèves effectives, à part quelques grèves sporadiques dans quelques secteurs sensibles, comme celui de la santé et du transport…je ne donnerais pas de statistiques, puisque les chiffres disponibles se contredisent et ne convergent pas, donc non fiables.

En guise d’illustration, le « Taux de Participation » dans les grèves, une donnée cruciale dans les négociations, est calculé par deux formules, l’«Officielle», et la «Syndicale» :

•Officielle  : Taux = Nbr de Grévistes / Nbr Total de Travailleurs.
•Syndicale : Taux = Nbr de Grévistes / Nbr d’Adhérents.

La formule « Syndicale » donne des « Taux de Participation » de 5 à 6 fois supérieurs aux taux officiels, puisque, pour un secteur donné, le nombre d’adhérents est largement inférieur au nombre de travailleurs.

En effet, en 2011, seulement 18% de la population active est syndiqué, le tableau suivant en donne un éloquent aperçu :

POPULATION ACTIVE SYNDIQUÉE EN 2011
                        
ORGANISATION        ADHÉRENTS        TAUX POPULATION ACTIVE        TOTAL

                        
UGTT                          650 000                           16 %                                89 %
                        
UTT                            50 000                             1.3 %                              6.8 %
                        
CGTT                          30 000                            0.8  %                              4.1 %
                        
TOTAL SYNDIQUÉ       730 000                          18%                                 100 %

Ces chiffres sont à réviser à la baisse suite aux nombreux désistements et migrations syndicales enregistrées durant la période 2012-2014 !

In fine, à chaque malentendu entre le gouvernement provisoire et le syndicat, ce dernier agite le spectre de la grève, et après avoir obtenu gain de cause sur des revendications qui n’ont parfois aucun trait avec les intérêts du travailleur, les grèves  annoncées sont reportées pour être à la fin annulées….

Par ailleurs, si plusieurs grèves ont été annoncées dans le secteur de l’éducation, ceci est une preuve des dissensions internes au sein du « syndicat unique ».

A titre de rappel, le partage sectoriel entre les trois (3) principales confédérations est comme suit :
•UTT   : Transport, Santé, Poste & Télécommunications,...
•CGTT  : Energie, Transport, Enseignement Supérieur…
•UGTT  : Fonction Publique, Éducation, Mines, Santé…

Pour orner un peu plus ce macabre tableau, toutes les tentatives de créer des cellules syndicales, au sein de plusieurs établissements publics, relevant des toutes les confédérations syndicales, ont été bloquées au profit du « syndicat unique »!

Une Solution : Le Pluralisme Syndical

Il est patent que le mouvement syndical fut instrumentalisé sous le régime déchu. Après le dialogue national, cette organisation partage désormais le pouvoir avec les institutions républicaines du pays et le gouvernement provisoire et tente d’éliminer de la scène syndicale les autres confédérations concurrentes et autres groupements pour régner en maître absolu: une dictature syndicale non annoncée mais dont les effets se font déjà sentir…

Malgré les très impopulaires décisions du gouvernement provisoire, hausse des prix dans quasiment tous les produits, qui eu pour conséquence l’érosion vertigineuse du pouvoir d’achat du bon père de famille…aucun mouvement de contestation n’a eu lieu !

TOUTEFOIS, UNE SOLUTION EST ENVISAGEABLE : « LE PLURALISME SYNDICAL ».

DÉSORMAIS LE MOUVEMENT SYNDICALISTE ACTUEL EST ÉMINEMMENT POLITISÉ, MINÉ PAR DES DISSENSIONS INTERNES ET DES COURANTS POLITIQUES D’OBÉDIENCES AUSSI NOMBREUSES QUE VARIÉES…ET QUI DIT POLITIQUE DIT CORRUPTION…ET LA CORRUPTION EST LE PREMIER INGRÉDIENT QUI PAVERAIT LE CHEMIN DE LA DICTATURE…LA PIRE QUI SOIT !

Farouk Ben Ammar