Tunisie : Se dirige-t-on vers un nouveau soulèvement populaire en Tunisie ?

Tunisie : Se dirige-t-on vers un nouveau soulèvement populaire en Tunisie ?

Des mouvements de protestation  ont éclaté depuis mardi 2 janvier pour protester contre la décision du gouvernement tunisien d’augmenter le taux de la TVA et diverses contributions sociales à partir du  1° janvier.

Les manifestations ont tourné à l'affrontement dans plusieurs villes du pays. Un homme a succombé à l'inhalation des gaz lacrymogènes à Tébourba (à une quarantaine de kilomètres de Tunis).

Le mois de janvier est devenu un temps de mouvements populaires en Tunisie depuis 1978. Cette année, l’approche des premières élections municipales depuis la révolution, qui se tiendront en mai, ravive encore un peu les tensions.

Ces derniers jours, à Sidi Bouzid, Meknassi, Kasserine, Thala, Gafsa, Tébourba, Sousse, Nabeul, Sakiet Sidi Youssef, ben Arous et Tunis, des manifestants ont exprimé leur colère face à la flambée des prix et l’accélération des projets d’austérité programmés par le gouvernement.

Affrontements  avec les forces de l’ordre et pillage

Le feu s’est petit à petit propagé porté par le collectif « Fech Nestanaou » (« Qu’attendons-nous ? ») qui appelle à des rassemblements régionaux le 12 janvier. Jusque-là inconnu, ce groupe d’activistes, dont plusieurs membres ont été arrêtés à Sousse, Bizerte et Tunis pour avoir tagué des murs et distribué des tracts protestant contre le coût de la vie, avant d’être relâchés, semble bien coordonné et organisé ; sans que l’on connaisse  qui est derrière ?

Un peu partout, les manifestations ont tourné à la confrontation avec les forces de l’ordre, au saccage, au vandalisme et au pillage. Le bilan est lourd durant ces deux nuits d’émeutes : un mort, la blessure de 49 agents sécuritaires, le pillage des entrepôts municipaux, l’incendie de 45 voitures de police et l’arrestation de plus de 200 individus.

Des tensions qui ont lieu alors que la Tunisie est en état d’urgence depuis les attentats de 2015. Un régime d’exception qui octroie des pouvoirs d’exception aux forces de l’ordre, et permet notamment l’interdiction de grèves et des réunions « de nature à provoquer le désordre ».

La situation s’est en tout cas dégradée dans le pays ces derniers jours. Nous sommes aujourd'hui au même point qu’à la fin 2010-début 2011. De Mohamed Bouazizi à Khomsi el-Yerfenii mort à Tebourba, les motifs et la manière se répètent.

Les Tunisiens révoltés étaient descendus, durant quatre semaines entre décembre 2010 et janvier 2011, dans la rue pour manifester contre le régime policier, le clan des Trabelsi qui a mis sa main sur les richesses du pays, la précarité, le déséquilibre régional, la corruption et le chômage de masse qui touche surtout les jeunes.

Si la Tunisie a pu, malgré les difficultés, les assassinats, les conflits sociaux permanents, l’insécurité et  le terrorisme rédiger une constitution la plus moderne du monde arabe et organiser des élections libres reconnues par l’ensemble des partis politiques et les instances internationales, sur le plan économique et social la situation s’est empirée.

Une classe politique sourde et dépassée

Rien n’a été fait pour redonner de l’espoir aux jeunes qui vivent dans la pauvreté, le chômage et l’exclusion sociale. Le gouvernement actuel est incapable de traiter d’une manière efficace les urgences du pays. Il navigue à vue et gère uniquement le quotidien sans aucune vision de l’avenir. Qu’a-t-on fait pour combattre l’économie parallèle qui constitue un des fléaux majeurs de notre pays ? Qu’a-t-on conçu de concret pour les régions et les couches défavorisées, marginalisées qui ont réalisé le 14 janvier ? Y a-t-il une seule décision en faveur du chômage des Jeunes ? La réponse est terrible : Rien dans l’horizon.

La classe politique Tunisienne est sourde face à ce mouvement de protestation de grande ampleur. Elle continue comme sous l'ancien régime à se livrer aux échanges d’accusations en parlant d’agents comploteurs, de l'implication surdimensionnée du Front Populaire et de l'ennemi extérieur qui veut déstabiliser la Tunisie. On déplorerait l’opportunisme de tel ou tel parti politique qui ne peut pas expliquer à lui seul la crise répétitive de la société tunisienne. Les problèmes des régions déshéritées sont permanents et démontrent l’incapacité des hommes politiques tunisiens à définir et à mettre en œuvre une réelle stratégie et des solutions adaptées aux urgences économiques et sociales d’un pays qui risque l'abime pour toujours et l'échec de cette expérience démocratique.

Echec des gouvernements successifs depuis 2011

Tous les gouvernements successifs ont échoué. Ils n’ont pas pu changer de modèle de développement et élaborer un nouveau modèle de société adapté aux bouleversements subis afin de répondre aux urgences. Ils utilisent les mêmes anciennes recettes libérales qui ont déjà échoué et ont déclenché le premier soulèvement de 2010.

Sept ans après, la situation économique est nettement plus dégradée et l’espoir en moins. Sept ans plus tard, rien n’a changé : les revendications sur l’emploi et l’équité sociale sont les mêmes.

Quel échec cuisant!

A quand une vraie volonté politique pour un vrai changement au service de ces régions, des jeunes et de la Tunisie? Il est temps encore pour réagir avant que la maison Tunisie ne brûle.

A.K.

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