Comment Méchichi a-t-il expliqué la « guerre » entre les trois présidences?

Comment Méchichi a-t-il expliqué la « guerre » entre les trois présidences?

Dans un entretien accordé au journal le Figaro et publié dans son édition de ce jeudi 3 juin 202, le chef du gouvernement Hichem Méchichi, a répondu à sa manière aux questions sur l’immigration le terrorisme, la crise économique et sanitaire et à « la guerre » que se livrent les trois présidences.

Hichem Mechichi : « Bloquer les migrants, c’est insuffisant »

Il faut qu’un candidat à l’immigration préfère rester chez lui », répond le premier ministre de la Tunisie au Figaro.

 LE FIGARO. - Qu’attendez-vous de la visite du premier ministre français ?

Hichem MECHICHI. - Cette visite confirme le caractère exceptionnel des relations franco-tunisiennes. C’est aussi un message : la France continue à considérer la Tunisie comme un partenaire de choix dans la région. La France est le premier investisseur en Tunisie et la première destination choisie par nos étudiants. Nous signerons différentes conventions (sur l’enseignement, l’industrie, l’énergie…) qui seront dévoilées ce jeudi. Une reconversion d’une partie de la dette envers la France (831 millions d’euros en 2018, selon le ministère des Finances tunisien, NDLR) est également en discussion.

 Paris souhaite parler des Tunisiens illégaux et radicalisés en France. En novembre à Tunis, Gérald Darmanin demandait le rapatriement rapide d’une vingtaine d’entre eux. Sont-ils rentrés ?

Il y en a qui sont rentrés. Et cela continue. Il suffit que nous nous assurions de leur statut pour qu’ils soient réadmis. La Tunisie est prête à réadmettre les personnes qui n’ont pas vocation à rester en France. Il y a des accords de réadmissions et je pense qu’ils fonctionnent bien.

 L’Union européenne cherche à bloquer les départs de migrants vers l’Europe en échange d’une aide économique. Quelle stratégie défend la Tunisie ?

Bloquer les migrants sur les côtes tunisiennes ou d’Afrique du Nord, c’est insuffisant et impossible. La meilleure manière de les retenir chez eux, c’est de renforcer le partenariat avec les pays émetteurs. J’appelle cela le développement solidaire. Il faut qu’un candidat à l’immigration préfère rester chez lui. Je ne dis pas que la solution sécuritaire doit être oubliée, bien au contraire. Il faut préserver nos frontières et protéger ces personnes-là de la traite des êtres humains. Elles sont les premières victimes.

 Votre gouvernement négocie avec le FMI un prêt - le 4e depuis 2011 - de 3,3 milliards d’euros. Certains dénoncent le cercle vicieux de l’endettement qui a dépassé les 100 % du PIB…

 Il va falloir donner des alternatives alors. Nous ne pouvons pas continuer à observer cette dégringolade économique. Aller vers le FMI est une démarche rationnelle pour sortir la Tunisie de son marasme économique. Nous avons présenté au FMI un plan de relance bien préparé.

 Dans ce plan, vous envisagez la suppression des subventions sur les produits de base, comme le pain, et le gel de la masse salariale. Ces mesures ne risquent-elles pas, comme par le passé, de nourrir la contestation sociale ?

Il n’y aura pas de suppression des subventions mais un meilleur ciblage en faveur des personnes qui méritent d’être aidées. Dans tous les pays du monde, les aides sociales vont aux personnes nécessiteuses. Moi, je n’ai pas besoin que l’État subventionne mon pain. Le coût social sera plus important si le pays sombre dans la faillite. Ma responsabilité est de stopper cette chute. Je ne cherche pas la popularité et je n’appartiens à aucun parti, cela me donne une liberté pour décider ce qui est nécessaire pour le pays. Quand on est malade, on doit prendre le médicament, même si le sirop ne nous plaît pas.

La situation politique est également critique. Le Parlement, la présidence de la République et votre cabinet se livrent une véritable guerre…

Le terme « guerre » est un peu fort. C’est une situation assez particulière. Nous assistons à des premières. C’est propre à toutes les transitions démocratiques qui nécessitent un temps d’adaptation. Le gouvernement a reçu une large confiance du Parlement. Mais il y a des interprétations constitutionnelles diverses. Malgré cela nous assumons nos responsabilités. La première étant de sauver le pays. Toutes les institutions du pays doivent nous rejoindre dans cette démarche.

Face à la pandémie, l’objectif du gouvernement de 3 millions de vaccinés le 30 juin (sur une population de 12 millions) ne sera pas atteint.

La situation nous préoccupe. Je considère la vaccination comme la meilleure solution. C’est très difficile de continuer avec les mesures de confinement et autres qui ont un coût très cher. L’idée est d’augmenter le rythme des vaccinations. Nous avons tout mis en place en matière de logistique (centres dédiés, personnels…), il reste le problème de la disponibilité des vaccins. Nous sommes en discussion avec l’OMS. Nous travaillons également avec des laboratoires pour effectuer les finitions des vaccins, comme l’emballage, ici pour la consommation locale puis l’export.

 Cette crise pourrait-elle conduire à des relocalisations d’entreprises étrangères en Tunisie ?

 Nous avons abordé le sujet lors de ma visite en décembre en France. Des entreprises françaises et européennes réfléchissent à une installation dans un voisinage de proximité. La Tunisie a du potentiel avec la tradition de travail et de coopération avec la France. J’espère que les jours à venir nous apporteront du concret. ■

 

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