E.T et les enfantillages politiques, où va-t-on ?

 E.T et les enfantillages politiques, où va-t-on ?

 

Tout le monde s’accorde à dire que la Tunisie traverse sa plus grave crise depuis l’indépendance du pays, il y a quelques soixante-cinq ans dans deux mois. Ce n’est pas la Covid-19 qui en est la cause, celle-ci n’a fait qu’aggraver une situation déjà difficile depuis des années.

Mais face à cette crise gravissime, que font nos gouvernants ? La question mérite d’être posée, car même sur le front de la Covid-19 on fait tout juste du pilotage à vue sans véritable stratégie, et sans la rigueur qu’exige la propagation qui semble inexorablement exponentielle de la pandémie.

Une gestion chaotique

Même la vaccination qui devrait être entreprise au plus vite, puisque c’est le seul moyen d’un retour possible à la normale, elle n’est pas envisagée avec le sérieux requis. Prévue au second trimestre on nous dit maintenant que les premiers lots arriveraient avant février.

Mais rien n’est moins sûr, car il y a une telle pression sur les fabricants que ce souhait pourrait difficilement être exaucé. Au même moment, la campagne de vaccination a démarré en Israël le 19 décembre et le 1er janvier, un million de personnes avaient déjà reçu leur première injection, selon les chiffres officiels. Dans « l’entité sioniste », près de 150.000 personnes sont vaccinées chaque jour.

De plus, nos politiques ne semblent se préoccuper outre mesure de la pandémie une question si cruciale, laissant aux médecins et autres scientifiques le soin de la gérer. Point de réunion du conseil national de sécurité pour montrer que les plus hautes autorités de l’Etat se penchent sur le sujet.

Pas de sortie médiatique, non plus, du chef de l’Etat ou du chef du gouvernement pour faire de la sensibilisation, de la pédagogie et s’il le faut recourir à un langage d’autorité et de sévérité lorsqu’on constate, comme c’est le cas, un relâchement dans l’application des mesures de prévention requises.

Si la gestion de la crise sanitaire est approximative et chaotique, elle est à l’image du reste. Puisque l’Etat lui-même est entre des mains qui ne semblent saisir la portée de la responsabilité éminente qui est la leur.

Sur une autre planète

Le président de la République, Kaïs Saïed dit lui-même qu’il a l’impression d’être sur une autre planète. En presque quinze mois d’exercice de la magistrature suprême, il n’a rien entrepris de concret pour changer le cours des choses.

L’homme de droit qu’il est n’a soumis aucun projet de loi, ni pris la moindre initiative de quelque nature que ce soit. Il n’a présidé aucun conseil de ministres, alors que la constitution prévoit qu’il a la latitude de le faire quand bon lui semble.

Dans ses discours, il n’a cessé de répéter la même litanie des complots qui se trament, des chambres noires qui s’activent pour porter atteinte à l’intégrité de la patrie, des secrets qu’il est seul à détenir et qu’il finira un jour prochain à révéler, mais aussi des missiles dont il dispose et qu’il compte lancer le moment venu.

Compte-t-il pendant cinq longues années nous dire la même chose, car à l’évidence sa popularité est toujours au zénith et son immobilisme le sert au lieu de le desservir.

Quant au chef du gouvernement, on en est au quatrième depuis que Kaïs Saïed est à la tête de l’Etat, en comptant la longue gestion des affaires courantes de Youssef Chahed (4mois) et l’éphémère chef de gouvernement désigné Habib Jemli qui n’a pas obtenu la confiance du Parlement.

Il faut dire que le chef de l’Etat auquel est revenue l’initiative de désigner la personnalité « la mieux à même d’y parvenir de former un Gouvernement », selon les termes de la Constitution (article 89) n’a pas eu la main heureuse.

Elyès Fakhfakh a dû démissionner en raison d’une présomption de « conflit d’intérêts » au moment même où le premier parti de la coalition parlementaire dont son gouvernement est issu allait lui opposer une motion de censure. Ce qui est anormal en démocratie.

Quant au second chef du gouvernement proposé par Kaïs Saïed, Hichem Mechichi qui fut conseiller juridique dans son cabinet, il a vite de se retourner contre son bienfaiteur. Alors que le président de la République voulait avoir à la Kasbah un premier ministre qui exécuterait ses ordres, le promu au poste ne l’entendait pas de cette oreille.

Conflit inévitable

Entre un chef de l’Etat confortablement élu au suffrage universel et disposant ainsi de la légitimité populaire mais dont les attributions sont limitées et un chef du gouvernement, choisi par le premier et qui n’a aucune légitimité électorale, alors que ses pouvoirs sont immenses, le conflit était inévitable. Il ne tarda pas à survenir, d’autant plus que le gouvernement compte des ministres proposés par le cabinet présidentiel et que Mechichi a dû intégrer dans son équipe contre son gré. On dit que pour certains, il ne les connaissait même pas.

Pour donner plus de piquant à cette relation désormais conflictuelle, Kaïs Saïed a profité de l'absence du chef du gouvernement pour se rendre au ministère de l'Intérieur et s'auto-proclamer chef suprême des forces sécuritaires armées, ce qui a déplu majestueusement à Mechichi puisqu'elle le prive s'il y consent son bras armé.

Dès sa formation, le gouvernement était appelé à être remanié. Ce qui est un mauvais signal quant à la capacité de l’équipe à prendre les problèmes graves que connait le pays à bras-le-corps. D’ailleurs le réaménagement n’a pas tardé. Mais au lieu que cela se fasse franchement et de façon transparente, nous voilà devant un remaniement par-à-coups.

Jusqu’ici trois ministres ont été limogés l’un après l’autre pour des raisons diverses et variées. L’un d’entre eux a même été placé en prison suite à un mandat de dépôt émis contre lui. Du jamais vu dans l’histoire de la République. Leur intérim a été confié à d’autres membres du gouvernement.

Un gouvernement formé de bric et de broc

Si on s’en tient aux déclarations des membres de la coalition, le gouvernement Mechichi est formé de bric et de broc. Ainsi Oussama Khélifi, chef du groupe Qalb Tounes déplore le manque de synergie et l’absence de cohésion au sein du gouvernement.

Evidemment, le limogeage du ministre de l’Intérieur, Taoufik Charfeddine est un acte grave auquel n’a recouru le chef du gouvernement que pour des raisons tout aussi graves. Mais aucune précision n’a été avancée de façon officielle ou officieuse sur cette décision, ce qui laisse libre cours à toutes les supputations, même les plus fantaisistes.

Le limogeage était en l’air, dit-on et Mechichi était en attente de prétextes que Charfeddine lui a servi dans un plateau en prenant un train de nominations au sein des corps de la sûreté et de la garde nationale sans en référer eu chef du gouvernement, ce qui était une faute grave a jugé ce dernier.

Ce qui est déplorable dans cette histoire c’est que des documents officiels des sécuritaires nommés aient circulé sur les réseaux sociaux, ce qui peut être considéré comme une atteinte grave à la sécurité nationale, sans que des sanctions n’aient été prises.

Bien que bénéficiant d’une majorité confortable au Parlement, avec le soutien de cinq blocs de 119 députés députés ( Ennahdha, Qalb Tounes, el Islah, Al Watania et Tahya Tounes) sans compter une poignée de non-inscrits ou de membre du bloc Al Karama, le gouvernement a bataillé dur pour faire approuver la loi des Finances 2021 mais ce ne sera que partie remise puisqu’une loi de Finances rectificative est promise pour le mois de mars prochain.

Le sang a coulé

De ce Parlement parlons-en, le sang y a coulé ce qui a conduit le second groupe sous la coupole, le bloc démocratique (38 députés) à entamer un sit-in qui dure depuis plusieurs semaines, précisément pour que les députés qui aient été à l’origine des actes de violence reconnaissent leur tort et demandent pardon. Ce que l’on n’imagine pas qu’ils le fassent, ce qui risque de faire perdurer le climat de tension au sein de la représentation nationale.

Du reste on parle de nouveau d’une motion de défiance contre le président du Parlement, Rached Ghannouchi. Ce qui devrait compliquer une situation déjà bien difficile.

Dans ces conditions peut-imaginer un « dialogue national » serein et productif que l’UGTT appelle de ses vœux et dont le président de la République a accepté le principe en lui mettant des conditions puisqu’il devrait « rectifier la trajectoire de la révolution » et être ouvert aux jeunes venant de toutes les régions du pays.

Un Extra-terrestre (E.T.) à Carthage, des enfantillages à la Kasbah et un délitement au Bardo. Peut-on imaginer pire scénario pour le pays !

Il ne reste qu’à supplier la miséricorde divine pour qu’elle vienne au secours de notre chère Tunisie.

RBR

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