Féminicide en Tunisie :  « On ne naît pas femme, on en meurt »

Féminicide en Tunisie :  « On ne naît pas femme, on en meurt »

Au Kef (Nord-Ouest tunisien), le 29 octobre, Wafa Sebaï, mère de deux enfants, une institutrice de 40 ans, a été battue et brûlée vive par son ex-époux, dont elle venait de divorcer quatre jours plus tôt.

Wafa, avait déjà demandé la protection une fois ; cette protection était soi-disant appliquée par le fait de dire à son mari de ne plus s’approcher d’elle mais il a outrepassé cette décision, il est venu la voir plusieurs fois et l’a menacée. Ce qui est choquant dans cette histoire, c’est l’indifférence totale dont la police et le parquet ont fait preuve vis-à-vis du danger encouru par la victime.

C’est le troisième féminicide en un an dans cette ville. En mai 2021, le meurtre de Refka Cherni, tuée par balles par son mari, avait suscité l’émotion au niveau national. Le procès de l’époux est toujours en attente.

Une femme sur deux  victimes au moins une fois dans sa vie de violence domestique

Les femmes tunisiennes sont toujours confrontées à des niveaux élevés de violence. Selon une enquête du ministère de la Femme, au moins 47 % des femmes ont été victimes de violence domestique au cours de leur vie. Ces chiffres n’ont fait qu’augmenter avec le début de la pandémie de COVID-19. Le ministère de la Femme a annoncé que rien qu’en 2020, il y avait eu sept fois plus de cas de violence liée au genre que les années précédentes.

En Tunisie, les violences augmentent, en même temps qu’il y a une crise économique, une crise politique ou encore une crise sociale et on sait que dans les moments difficiles de crise, ce sont toujours les femmes qui en pâtissent le plus.

La mort tragique d’une jeune femme tuée par son mari a mis en évidence les conséquences désastreuses des manquements des autorités chargées de protéger les femmes tunisiennes contre la violence domestique.

La loi ne suffit pas, faire évoluer les mentalités pour gagner le combat

Malgré une loi cruciale en matière de lutte contre les violences, votée en 2017 et supposée mieux protéger les victimes, les féminicides sont fréquents et les associations dénoncent le silence des autorités sur le sujet.

Contre les violences faites aux femmes, la loi ne suffit pas. Mais comme le système tunisien de protection est inefficace, celles-ci continuent tous les jours à mourir sous les coups.

Viols, mutilations sexuelles féminines, violences conjugales, prostitution, harcèlement sexuel, mariages forcés, crimes dits « d’honneur », polygamie... ces violences, loin d'être des faits isolés, sont le produit d’un système patriarcal instituant un rapport inégalitaire entre les femmes et les hommes. L’origine sexiste de ces violences est reconnue dans de multiples résolutions et rapports internationaux et nationaux, et pourtant elles ne reculent pas !

Un État patriarcal ne peut prévenir les féminicides

Un système fondé sur la domination masculine ne peut s’étonner de voir sa logique poussée jusqu’à ôter la vie à l’autre appelée en arabe « le sexe faible ».

Le combat pour arrêter ces violences sur la femme n’est pas terminé pour les défenseurs des droits des femmes. Il est nécessaire de poursuivre et de renforcer les politiques publiques et les moyens dédiés pour la prévention et l’accompagnement des femmes ainsi que le soutien aux associations engagées dans la lutte contre ces violences, en particulier celles qui accompagnent des femmes sur l’ensemble du territoire.

Pour éviter de tels drames à l’avenir, le gouvernement tunisien doit prendre des mesures de grande ampleur. Cela suppose de former la police, les juges et les procureurs aux exigences de cette loi et de les amener à rendre des comptes lorsqu’ils s’abstiennent d’enregistrer des plaintes, d’émettre et d’appliquer des ordonnances de protection et d’enquêter sur des affaires. Cela suppose également de sensibiliser aux services de soutien destinés aux victimes de violence domestique et de mettre en place des campagnes de sensibilisation et d’éducation du grand public pour faire évoluer les attitudes sociales propices à la violence à l’égard des femmes.

La lutte contre les violences à l'encontre des femmes n'est pas aujourd’hui « Grande Cause Nationale »

Nous appelons chaque citoyen(n)e à en faire sa cause personnelle. Chacun(e) d'entre nous peut s'engager dans ce combat, en remettant en cause les stéréotypes sexistes dans sa vie quotidienne, en sensibilisant ses proches, en se mobilisant pour obtenir des pouvoirs publics le renforcement de la politique de lutte contre les violences. Agissons sur les mentalités est une priorité absolue pour gagner ce combat sociétal vital.

La violence à l’égard des femmes n’est jamais acceptable, jamais excusable, jamais tolérable.

A.K

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