Gros nuages sur le secteur bancaire tunisien 

Gros nuages sur le secteur bancaire tunisien 

Par Amine Ben Gamra

Le véritable défi auquel devra faire face notre système bancaire aujourd’hui c’est celui de la récupération des énormes créances irrécouvrables qui plombent les comptes de nombreuses banques tunisiennes.

En d’autres termes, l’inquiétude réside au fait que la crise sanitaire actuelle, dont il est difficile de prévoir la durée, impactera la capacité de remboursement de la clientèle avec pour conséquence, la dégradation de la qualité des portefeuilles de crédits ainsi que celle de la rentabilité des banques.

Les banques seront désormais affrontées à un grand problème, tout aussi dangereux que la baisse du produit net bancaire et des dépôts de la clientèle, le poids important des créances impayées, qui mettent à mal leur trésorerie.
 
Le taux des créances douteuses va encore se dégrader

Déjà, avant la crise du COVID-19, les créances douteuses représentaient 20-24 % du PIB ce qui faisait du système bancaire tunisien parmi les plus criblés de prêts non-performants au monde. La situation va empirer aujourd’hui.

En effet, l’impact de la crise du COVID-19 n’a pas encore été mentionné dans les reporting publiés par les banques tunisiennes. Mais l’arrêté annuel au 31 décembre 2020 subira le double effet de la baisse des produits bancaires (suite principalement à la baisse du taux directeur) et l’impact des provisions à constater afin de refléter les futures dégradations attendues suite à la pandémie COVID-19.

Ainsi la hausse des niveaux de provision à constater tel que prévu par la circulaire 91-24 et la baisse du produit net bancaire vont engendrer des pertes pour les banques. Ces pertes diminueront leurs fonds propres, donc leur solvabilité, ce qui altère leurs capacités à lever des capitaux.

Fitch Ratings vient d’indiquer dans un nouveau rapport qu’elle a publié récemment autour des perspectives de la résilience du secteur bancaire tunisien à court terme, que les banques tunisiennes seront confrontées à une forte augmentation des risques d’impayés des crédits et que le ratio de provisionnement par rapport au résultat d’exploitation augmentera en 2021. 

En outre, le passage des banques tunisiennes à la norme « International Financial Reporting Standard 9 » (IFRS9) – un modèle de classement des actifs financiers, fondé sur les caractéristiques des flux de trésorerie et le modèle économique dans lequel l’actif est détenu – à partir de la fin de l’exercice 2021 devrait, d’après le rapport de Fitch Ratings, impacter la qualité des actifs déclarés ce qui nécessite un provisionnement supplémentaire étant donné l’utilisation d’informations prospectives dans le modèle, en question.

Les banques vont-elles pouvoir trouver les ressources en 2021 pour continuer à prêter ?

Cependant, si les banques ne trouvent pas suffisamment de ressource pour reconstituer leurs fonds propres. Elles s’arrêteront de prêter de l'argent aux entreprises et aux ménages, bloquant ainsi le crédit indispensable à l'économie. Cette crise se propagera à l’ensemble des marchés et entraînera un risque systémique majeur.

Amine BEN GAMRA
Expert Comptable
Commissaire Aux Comptes
Membre de l'Ordre des Experts Comptable de Tunisie

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