Huit ans après et tout n’est pas noir !

Huit ans après  et tout n’est pas noir !

Huit ans sont déjà passés après cette fameuse journée du 14 janvier 2011 qui a vu la chute du régime de l’ancien président Ben Ali, aujourd’hui réfugié en Arabie Saoudite. Huit ans qui se sont succédé à un rythme, parfois, effréné et qui ont, à chaque fois, bouleversé la donne. Huit ans qui ont rythmé la vie des Tunisiens, de plus en plus angoissés et gagné par le pessimisme, si l’on croit les différents sondages. Pourtant tout n’est pas noir. Car, si avant le janvier 2011, on était habitué à la théorie de la moitié pleine du verre, après cette date, on a tendance à ne regarder que la partie vide.  Une vision pessimiste qui influe sur le moral des gens et qui les empêche d’agir sur la réalité et de se concentrer sur l’avenir.

A la question où va le pays, la plupart des Tunisiens vous répondent « droit dans le mur », estimant qu’il n’y a pas d’issue à la crise que nous vivons et qui s’enlise de jour en jour. Chacun interprète le bilan des huit dernières années selon sa propre grille idéologique. Ou encore selon ce qu’il a gagné ou ce qu’il a perdu. Même si ce bilan est globalement négatif avec beaucoup de ratés à tous les niveaux. Surtout social et économique. La crise est là. Elle s’installe et érode les esprits. Qui en est responsable ? Les autres. Mais qui sont ces autres ? Les réponses varient selon l’angle de vue. Ce sont ceux qui ont gouverné le pays durant les huit dernières années, pour les uns, ou encore durant les années qui ont précédé le 14 janvier 2011 pour les autres. On est même revenu aux premières années de l’indépendance pour chercher des alibis et Bourguiba n’a pas échappé la vindicte de certains haineux, habité par l’esprit de la vengeance.  Mais quels que soient les responsables, ils sont tous Tunisiens, c’est-à-dire nous tous. Manière de diluer les responsabilités, dites-vous.

L'irréparable a été évité

Cependant, ce qu’on appelle crise n’est en fait qu’une période de changement qui devrait faire évoluer la situation. Plutôt vers le bien. Et de se focaliser sur ce qui ne va pas pour le changer et de se concentrer sur ce qui doit être fait pour éviter que cela ne se produise plus.   Car, à bien regarder les choses en face, on se rend compte que le pays a évolué au cours des dernières années. Il a traversé de fortes zones de turbulences mais il a réussi à s’en sortir avec les moindres dégâts possibles. Les élites ont fait preuve d’une grande capacité de dialoguer pour parvenir à un consensus. Le dialogue national mené en 2013 par le quartet est une expérience à la fois originale et inédite qui a bien fonctionné. Malgré deux assassinats politiques, ceux de Chokri Belaid et Mohamed Brahmi, encore non élucidés, des moments de tensions, parfois, extrêmes, l’émergence du terrorisme…, la violence politique a été évitée et le pays n’est pas tombé dans la guerre civile. Les potences auxquelles avaient appelé certains « révolutionnaires » n’ont pas été élevées ni à l’avenue Bourguiba ni à la Kasbah. Mieux, pendant cette période marquée par un véritable embrouillamini, on est arrivé à adopter une Constitution consensuelle, organiser quatre élections législatives en 2011 et 2014, présidentielle en 2014 et municipales en 2018. Les lois les plus importantes en termes de démocratie et de libertés ont été adoptées par le parlement.  Le pays a beaucoup gagné sur le terrain des libertés et en matière de démocratie. Et ce en dépit des dérapages parfois incontrôlés et des dépassements qui n’ont pas leur raison d’être.

Seule survivante de ce qui est appelé « Printemps arabe », la Tunisie est aujourd’hui une démocratie en devenir. Même si la démocratie « n'est plus analysée comme un principe supérieur commun, mais comme utilité », selon le chercheur Michael Ayari de « Crisis Group ». Il explique dans une interview publiée dans le Point Afrique le 12 janvier courant, que l’utilité signifie davantage de « croissance économique, davantage de justice sociale » qui ne se sont pas réalisées au cours des dernières années. C’est pourquoi, « les populations de l'intérieur du pays estiment n'avoir rien gagné de cette transition et sont de plus en plus prêtes à revenir à un régime plus dur, même si elles en seront les premières victimes. Le fait de vouloir revenir à ce fantasme d'État de justice, avec la corruption contenue, une administration objective et rationnelle, une égalité des chances, une forme de méritocratie, avec un État bienfaiteur, peut pousser la population à plébisciter un régime dictatorial ».

Il ajoute, « le plus difficile en Tunisie n'est pas d'avoir des idées, mais de pouvoir les réaliser ». Et pour les réaliser il faut des Hommes et des Femmes aptes à le faire. Et non de simples bons-à-rien glandouilleurs, générés par le seul fait du népotisme.

B.O

 

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