Je ne suis pas Amazigh II

 Je ne suis pas Amazigh II

Ce sera une trilogie. La première partie de ce pavé a soulevé des critiques. Tant mieux. Quelques précisions s’imposent. Elles permettraient de lever le nez de l’accessoire et de s’en tenir à l’essentiel. Avançons. Évacuons d’abord une confusion. L’élément ethnique pur dont je récuse la fable, est loin d’être l’élément génétique. Le composant essentiel du premier prédicat est précisément l’adjectif : « pur ». Ce qui est dénoncé n’est pas tant  l’existence d’une ethnie mais bien plutôt sa « pureté », ses fables d’authenticité et de nativité !

Fable de la pureté

Si l’élément berbère existe, si sa composition génétique est établie, eh bien sa pureté n’est qu’une construction. Il se posera de manière la grande question de la première cause : d’où tiennent-ils ces traits « mechta afala » et « porto méditerranéens », dans un continent noir, d’où viennent-ils, et comment avaient-ils atterri là. Comment reconnaître la lignée Lybique des Gétules ? Qu’est-ce que les Numides ? Et puis d’où provenaient les Capsiens, ancêtres de Berbérie? Pourquoi auraient-ils élu domicile à Gafsa ? Et avant ? Pourquoi ne pas revendiquer l’élément capsien, repasser à la préhistoire, avant les premières vagues migratoires, les premiers métissages ! Ca ne casse pas trois pattes à un canard. Si pureté y avait, elle aurait été  originelle, authentique, native ! Or était-on venus tard à la berbérité, semble-t-il…..

Pourquoi alors cette recherche désespérée, à grands renforts associatifs, de l’élément ethnique pur? Dans son livre,  la naissance de la civilisation,  Gordon Childe évoque la nostalgie des historiens du début du 20ème siècle à un Age d’or primitif. «  En histoire aussi bien que dans les sciences de la nature, on observe souvent depuis un demi-siècle une orientation pessimiste et irrationaliste, dans de nombreux écrits de vulgarisation,. Certains anthropologues à l’instar des Anciens, tournent un regard nostalgique vers la simplicité d’un Age d’or primitif. ».

Ce paradigme du retour, n’est ni scientifique ni prometteur selon l’auteur. Il s’agit d’une nostalgie de ce qui n’est jamais advenu. L’Age d’or est un récit mythologique. Cela a bien été rappelé par Patrick Cabanel, spécialiste du 19 ème siècle à  l’Ecole des hautes études à Paris. L’auteur récuse à sa manière le paradigme du retour historique à un Age d’Or primitif, en reprenant la notion de « Démagification » de Max Weber.  Le sociologue Allemand refonde, en effet,  les communautés humaines sur des éléments postérieurs aux fables, aux mythes, et à l’irrationnel ; des éléments « démagifiés ». Cabanel reprend  le concept à son propre compte  et  évoque des succédanés à Dieu et aux mythes fondateurs de l’Europe après sa déchristianisation. Des formes de réenchantement aime-t-il à dire : un messianisme séculier de nations porteuses d’idéal universel : le marxisme, le marché…….

Sont-ce les identités nouvelles ? On ne sait. Ce grand remplacement, ( pas au sens racial camusien, pardi) n’a pas complètement rompu avec le paradigme du retour, au contraire : les composants essentiels d’une nation sont restés les mêmes : La Continuité historique, le messianisme, le martyr !

Idéologie de la pureté

Pourquoi maintenant ce candide purisme « universitaire » a-t-il  gagné la foule ? Réponse chez Miraslav Roche, spécialiste de la question « nationale ». L’historien propose un modèle en trois étapes. D’abord les  Mainteneurs : des chercheurs désintéressés et nostalgiques décident de se « faire » une identité authentique. Ils se mettent au « travail » : collectent des données, procèdent à des fouilles, déchiffrent des ésotérismes, dépoussièrent des parchemins.

Ensuite, les militants. La thèse scientifique devient idéologie et cesse d’être soumise à la réfutation épistémologique. Elle n’est plus l’œuvre de chercheurs mais bien d’aficionados. Le patrimoine remplace les vestiges et la vérité se transforme en grande cause. C’est là où la Presse, la société civile, les éditeurs…rejoignent les militants à  répandre les « nouvelles idées » du « Passé authentique et méconnu ».

Enfin La nation « authentique » renaît à la vie ; lorsque les militants occupent chouettement les rues, imposent des commémorations, organisent des spectacles, traduisent des textes anonymes, lorsque la « chorale » chante l’honneur déchu en patois, lorsque l’idiome local est laborieusement « inventé » ! Alors renaît la nation « proscrite » au maquis ou dans les parlements !

Ce modèle historique a été  vérifié dans l’ensemble des mouvements sécessionnistes européens. Pour vertigineux qu’il paraisse, le purisme « amazigh », ne semble pas y échapper ; loin s’en faut !!

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