Jusqu'où iront les instituteurs ?

Jusqu'où iront les instituteurs ?
 
 
La manifestation organisée, hier mardi, par le syndicat de l'enseignement de base devant le ministère de l’Éducation a pris des proportions, dans le contenu et la manière, que personne n'avait jamais imaginées.
 
Venus exprimer leur colère face à des revendications qui n'arrivent pas à être satisfaites, les instituteurs ont haussé le ton d'une drôle de manière... Car il semble qu'il n'est plus question pour eux de revendications autour des conditions de travail et un parfum d'augmentation salariale, mais le problème est devenu LE ministre lui-même, Néji Jalloul, à qui ils reprochent un manque de respect envers eux et une humiliation de sa part lorsqu'il a proposé des solutions pour que nos enfants ne soient pas victimes de ces luttes syndicales et otages de revendications dont ils ne peuvent imaginer le rapport avec leur scolarité et cette fin d'année...
 
Deux détails ont largement retenu l'attention de la majorité des Tunisiens, particulièrement ceux qui suivent au quotidien les développements de cette situation.
 
Le premier a trait à ce slogan exprimant une position totalement erronée et provocatrice, pour ne pas dire insolente, lorsqu'il y est mentionné qu'il n'y aura pas d'enseignement ni d'apprentissage jusqu'à ce que le gouvernement «se mette à genou» ou «plie l'échine» (tout un chacun peut avoir accès à la photo montrant la pancarte écrite en arabe).
 
S'il s'agit d'un bras de fer, la cible est mal choisie, car ce n'est pas pour quelques revendications que l'on cherche à faire agenouiller un gouvernement. Il ne l'a pas été à la suite des assassinats des deux martyrs Chokri Bélaïd et Mohamed Brahmi, n'est-ce pas ?
 
C'est que, malheureusement, les instituteurs confondent, consciemment ou inconsciemment, la lutte pour des revendications avec des objectifs sans aucun rapport avec le sujet.
 
Et le pays ne semble pas prêt à perdre encore du temps, si ce gouvernement vient à tomber grâce à ce militantisme, du moins en cette période très critique, car les solutions doivent être trouvées ensemble. Alors que si ce gouvernement vient à échouer dans sa mission, nous serons les premiers à exiger son départ.
 
Et ce que peu de gens ont compris, c'est qu'il faut se mettre au travail sérieusement et au plus vite, tous secteurs confondus, puis commencer à revendiquer.
 
L'exemple nous est venu du Canada où les enseignants de tous les niveaux se sont trouvés dans une impasse avec leur gouvernement ou leur ministère, mais ont tenu à honorer leurs obligations scolaires, en corrigeant leurs copies dans la rue, avec tout le sérieux requis évidemment. Une manière de sensibiliser l'opinion publique sur leur situation et leurs conditions.
 
Chez nous, on cherche l'escalade, comme cet instituteur qui jure que ni en cette fin d'année scolaire, ni à la prochaine rentrée scolaire n'aura lieu de reprise jusqu'à la «soumission» du gouvernement !
 
L'autre exemple que donnent nos enseignants, ce sont ces agressions dont furent victimes quelques journalistes et même des parents d'élèves venus exprimer leur désapprobation de cette grève administrative et ce boycott des examens.
 
Rien d'étonnant alors si la violence gangrène la société, surtout si elle provient de gens censés donner l'exemple de la droiture et du civisme. Jusqu'où iront les instituteurs dans leur lutte syndicale, on ne sait que trop, mais ce qui est certain c'est que nos enfants en sont les premières et seules victimes, qu'on l'admette ou pas...
 
J. B. A.