Kaïs Saïed-Sadok Belaïd : Quand les rôles se sont inversés

Kaïs Saïed-Sadok Belaïd : Quand les rôles se sont inversés

Sadok Belaïd était parmi les premiers juristes à avoir été nommé doyen de la Faculté de droit et des sciences économiques quand il n’y avait en Tunisie qu’une seule université qui succédait à l’indépendance à l’Institut des Hautes études de Tunis.
Parmi les premiers agrégés de droit tunisiens, le doyen Sadok Belaïd avait présidé à la première faculté de droit, de sciences politiques et de sciences économiques de Tunisie de 1971 à 1979. C’est dire que lorsque lui avait pris les rênes de cette faculté le futur étudiant puis assistant de droit constitutionnel à cette même faculté, Kaïs Saïed avait à peine 13 ans.

On ne connait pas bien le cheminement de la relation entre les deux hommes, mais ce qui est sûr que le second devenu bien plus tard président de la République était l’étudiant du premier. Le droit constitutionnel a dû les rapprocher puisqu’elle était la spécialité de l’un et de l’autre.

Kaïs Saïed a-t-il pensé à son ancien doyen et professeur lorsque l’idée lui est venue d’octroyer sous son autorité une nouvelle constitution à la Tunisie ou plutôt une Constitution pour une Nouvelle République comme fut sa dénomination officielle inscrite dans le décret-loi portant création de l’Instance nationale consultative dont il a confié la présidence et la coordination à Sadok Belaïd ou était-ce la proposition faite par Amine Mahfoudh, lui-même ancien étudiant du même Belaïd. De toute façon, avant que la nomination du doyen Belaïd comme président coordinateur de l’instance, Mahfoudh avait émis le vœu que cette fonction soit confiée au doyen Belaïd ce qui serait selon une manière d’honorer l’école juridique tunisienne dont ce dernier est l’un des plus illustres et éminents représentants.

Ce qui est certain c’est qu’au cours des séances qui se sont déroulées et auxquelles participaient sous la présidence de Kaïs Saïed, les doyens Sadok Belaïd et Mohamed Salah Ben Aïssa ainsi que le professeur Amine Mahfoudh, les rôles se sont inversés puisque l’étudiant a dépassé son maître en accédant à la magistrature suprême, alors que la seule ambition politique que l’on connaît de Belaïd c’est d’avoir concouru aux élections de l’Assemblée nationale constituante en 2012 dans la circonscription de Ben Arous à la tête d’une liste indépendante appelée « compétence » qui n’a recueilli que des miettes stoppant net toute de velléité de participation effective à la rédaction de la nouvelle constitution, alors qu’il avait avancé un projet à cet effet.

Ce n’est donc que partie remise avec ce « draft » de la nouvelle constitution dont la rédaction lui a été confiée à la tête de l’instance consultative nationale pour une Nouvelle République. L’occasion était trop bonne et le doyen Sadok Belaïd était trop content de la saisir car il inscrira son nom dans l’histoire. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il a fait savoir, en affirmant que si la version finale sera différente sur le fond de son « draft » il ne manquera pas de le dire haut et fort, en prenant ses distances d’un texte qui ne sera pas le sien.

Les rôles inversés ne sont pas arrêtés là puisque le 20 juin aux premières heures de la matinée, le président de la République a appelé Sadok Belaïd à lui remettre sans plus tarder le « draft » de la Constitution alors qu’il n’a eu que quelques jours pour le finaliser. Pour être dans les temps, il a dû ajourner une opération chirurgicale qu'il devait subir. C'est dire que pour l'homme de 83 ans, le sacrifice était grand.

Le doyen a dû d’ailleurs s’exécuter. En le recevant de ses mains, Saïed s’est contenté de dire que le texte n’est pas définitif et que certains de ses articles seront susceptibles d’être révisés et que le tout mérite de plus ample réflexion.

Pas un mot pour remercier le doyen et son équipe et aucune allusion aux efforts certainement surhumains qu’ils ont dû déployer pour écrire une constitution dans un temps record. Dans le même temps, le président de la République s’octroie une dizaine de jours pour revoir la copie et peut être même le modifier de fond en comble.

Amine Mahfoudh a beau espéré que Kaïs Saïed dévoile « le projet de la Constitution » devant être soumis à référendum au plus tard le 25 juin c’est-à-dire 5 jours avant la date fatidique pour donner du temps à la discussion et au débat, rien n’y fait. Le texte ne sera dévoilé qu’à quelques minutes du délai que le chef de l’Etat s’est lui-même fixé, c’est-à-dire le 30 juin à minuit.
Alors attendons pour voir.

RBR

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