La Société Tunisienne de Cardiologie et le syndrome de Wilfred Bion

La Société Tunisienne de Cardiologie et le syndrome de Wilfred Bion

 

Indépendamment des faits connus de tous, ayant constitué la trame de l’affaire des stents périmés qui a secoué une profession prestigieuse, et qui a révélé l’état de déchéance morale ayant conduit plusieurs de ses membres à  s’embourber dans une sombre affaire passible des sanctions pénales les plus sévères, le fait est là : personne au sein de la profession n’a ne serait ce qu’essayé d’arrêter le processus jusqu’à son terme logique, celui du scandale.

Tout le monde savait semble t-il, à commencer par la majorité des Directeurs Médicaux des Cliniques sanctionnées, mais personne n’a rien fait. Le plus intéressant a été la réaction face au scandale de l’instance ordinale en principe chargée de faire respecter la déontologie et de la Société Savante face : la première, a refusé d’en faire porter la responsabilité à ses adhérents, au nom d’une défaillance collective des instances de contrôle ; la seconde composée d’experts, d’experts en cardiologie,  tout en reprenant cet argument ,  a nié, sinon minimisé ,  le risque d’utilisation de stents  périmés.

Comment la Société Tunisienne de Cardiologie a-t-elle pu par la voix de l’un de ses anciens présidents, exprimé une opinion aussi peu rationnelle qui peut relever même de la contre vérité ? C’est que l’ensemble de la profession ayant été soumis depuis plusieurs semaines à une attaque en règle et face à la véritable paranoïa qui a saisi l’ensemble des porteurs de stents, la Société de Cardiologie soumise à une très forte pression en particulier médiatique s’est vue dans l’obligation de rassurer avant tout , ce qui à priori ne constitue nullement en tant normal sa mission .

 Or ce que le Public attendait d’abord, c’était non pas des arguties scientifiques mais surtout des faits démontrant d’une part, une volonté sérieuse de punir les coupables ne serait ce que symboliquement et d’autre part d’éviter le renouvellement de tels actes.

 Or le président en exercice de la Société de Cardiologie, ayant de toute évidence échoué à rassurer le Public,  il a dû se résoudre semble t-il à céder la responsabilité de la Communication avec le Public et les Médias à deux de ses collègues : le nouveau Président élu qui n’a pas encore pris ses fonctions, et surtout le Past Président, pour qui apparemment c’était là l’occasion de refaire surface.  

C’est dire si la gestion de la crise s’est faite dans une ambiance de rivalités internes, le bureau actuel avec à sa tête le président en exercice ayant été soumis à une forte critique par ses collègues et ayant manqué de la sérénité et du détachement nécessaires pour tirer les bonnes conclusions.

Mais la surprise a été constituée comme dit précédemment par les arguments utilisés lors de leur conférence de presse par le past et l’elected presidents, minimisant l’importance ou l’exactitude des dates de péremption des stents utilisés , tout en usant d’un justificatif politique relevant plus de la langue de bois : l’intérêt du pays selon eux lésé par la mise en cause de ses compétences médicales. Le  plus désinformateur, et le plus honteux  des arguments utilisés a été celui-ci : aucune étude scientifique n’aurait démontré un danger supplémentaire quant à l’usage des stents périmés par rapport aux stents neufs.

 En effet il est bien évident que de telles études contraires à l’éthique scientifique  ne puissent pas exister, et que ,  eu égard à cela, le principe de précaution doit toujours s’imposer selon la règle : « primum no nocere. »  Cet exemple démontre combien les comités d’experts, demeurent tributaires des conditions inhérentes à leurs fonctionnements et peuvent si l’on y prend garde aboutir à des conclusions  totalement irrationnelles.

En l’occurrence alors que la gravité des actes incriminés ne faisait aucun doute, le bureau mettait en exergue le niveau international de la cardiologie tunisienne et la nécessité de défendre les cardiologues contre les attaques calomnieuses.

Cette manière de raisonner témoignait d’une amnésie et occultait le problème principal, celui de bien soigner et protéger les malades, au profit de considérations secondaires.

Pour tout dire, il semble que pendant la prise de décision du bureau de la Société de cardiologie, quant à sa réponse face au problème des Stents périmés, une régression mentale se soit opérée, par ce qu’on appelle l’intensification des dépendances.

Ce type de régression a été mis en évidence par Wilfred R Bion, comme phénomène de groupe pouvant perturber l’accomplissement d’une tâche collective.

Or le bureau de la Société s’est probablement contenté de consulter d’anciens prestigieux présidents de la société eux-mêmes actionnaires semble t-il de cliniques touchées par le scandale et sanctionnées, incapables d’apporter un avis valable.

En plus, le bureau a omis de prendre un avis juridique sur la question, et a sous estimé les implications pénales de l’affaire par rapport aux organismes bailleurs de fond, en particulier la Cnam, ou aux appels d’offres des marchés publics des hôpitaux.

Une telle régression mentale est en l’occurrence très probable , elle a  même abouti chez certains cardiologues au déni , selon lequel tout stent devenant par définition périmé un jour ou l’autre à l’intérieur de l’organisme, la notion de péremption du stent n’existerait pas.

En conclusion l’affaire des stents périmés ne fait désormais plus la une des médias, et elle suivrait son cours au niveau de la justice.

Mais ce qui est grave c’est que la Société de Cardiologie n’ait pas pris encore les mesures nécessaires d’abord en réformant son fonctionnement interne pour qu’à l’avenir elle soit capable de faire face aux situations imprévues en apportant des avis scientifiques acceptables, ensuite en éclairant les pouvoirs publics quant aux nécessaires changements dans l’exercice professionnel.

 Et il ne faut nullement sous estimer les régressions de groupes, et encore moins quand ceux-ci prétendent représenter une élite scientifique, détentrice des vérités irréfutables.

 L’exemple le plus célèbre en l'occurrence demeure celui de la prise de décision ayant abouti, au sein de la NASA , au lancement et à la catastrophe de la navette Challenger….

 

H R S

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