La vision en tunnel de l’action commune arabe (2)

La vision en tunnel de l’action commune arabe (2)

Au moins quatre critères pourraient évaluer le progrès d’un sommet arabe. Le nombre de participants, l’exhaustivité, la  correspondance terme-à-terme entre conflits et résolutions, le niveau d’efficacité et d’appropriation des résolutions. 

Participation : tout le monde ou presque.

Le 30 sommet arabe tenu à Tunis placé sous le signe de fermeté, a battu  le rappel. Vingt-deux pays membres y ont pris part. « Seule la Tunisie peut réunir autant de pays sur son sol », s’enorgueillit le ministre des affaires étrangères Khemayess Jhinaoui. L’absence de la Syrie a légèrement écorné la photo de famille. Une faute morale et politique contraire au principe et aux mécanismes du conseil, fondés sur l’Union et partant  sur la représentation de tous. La sous-représentation du Maroc, quelque inélégante et mal défendue qu’elle fut, ne se fit même pas remarquer. Le Souverain marocain avait tort à préférer l’apparat médiatique d’une rencontre avec un pontif sans autorité réelle, à un sommet communautaire, dont il se plaint du manque d’autorité ! 

Les gros acteurs, Egypte et Arabie, les concernés immédiats, Lybie, Yémen, Algérie, Irak ; les amis, ONU, Union africaine….ont tous été là. 

Exhaustivité : l’ensemble des contentieux ou presque 

La 30 session  a ratissé large. L’ensemble des conflits ont été passés en revue. Dans un ordre de priorité, la question palestinienne, le Golan, la guerre en Syrie, la guerre au Yémen, la guerre civile en Lybie, la situation en Algérie, en Irak,  au Soudan, en Somalie…... 

Criblée de tensions et otage de contentieux à tous crins et  à n’en plus finir, l’action arabe commune ne peut s’inscrire dans la durée .Le  Conseil d’Etats membres  semble encore réduit à la recherche effrénée d’armistices perpétuelles. Un rôle  « d’urgentiste » qui l’empêche de proposer le moindre  traité de coopération économique, scientifique…..Et pourtant. 

L’urgentiste ne fait pas que sauver des vies, il croit pouvoir en améliorer la qualité. Un groupe arabe de coopération aéroronuatique vient d’être créé sous l’égide des Emirats ! 
 
Le communiqué final s’est même offert le luxe d’évoquer la coopération économique, parent pauvre de l’action commune arabe. Sans la moindre velléité de dépasser les professions de foi et autres envolées lyriques. Chassez le politique il revient au galop, l’urgentiste, doit reconnaitre ses limites, aussi. 

La détermination politique est-elle le lot définitif de la Ligue Arabe ? Rien n’empêchera les générations futures de penser le contraire, si seulement pourraient-elles changer le rapport de forces! 

Correspondance entre enjeux et résolutions 

L’ensemble des résolutions a été énoncé sans fards ni fioritures, en référence au droit international et aux conventions du conseil. Le critère de correspondance terme-à-terme entre contentieux et résolutions a été retrouvé dans le communiqué final. La hiérarchie des priorités communes, aussi. La question palestinienne, le Golan, la guerre en Syrie, la guerre au Yémen, la guerre civile en Lybie, la situation en Algérie, en Irak,  au Soudan, en Somalie…

Quant au caractère strictement politique des solutions proposées, il ne pourrait en  être autrement pour un Conseil politique. Les confusionnistes, ne devraient pas confondre jusqu’aux statuts et fonctions. La Ligue Arabe n’est pas l’Otan. Il s’agit d’une Union régionale et culturelle de nature politique. La défense arabe pourrait en naître un jour, mais il y a loin entre l’ambition et la réalité. 

Privée de moyens d’interventions, la Conseil arabe ne peut agir. Il ne peut par conséquent émettre des résolutions militaires ou sécuritaires, encore moins les mettre à exécution. Faute de moyens exécutifs et militaires, ses résolutions demeurent strictement politiques. Il n’existe qu’un seul conseil de sécurité, selon toute rigueur mondialiste. Concurrencé, il est vrai,  par une Alliance Atlantique ( extra communautaire) et quelques alliances naissantes…..Une sécurité parallèle !

Pas plus que l’Europe, la région Arabe ne dispose d’aucune force d’intervention. L’OTAN semble s’en occuper !! Hélas. « En l’état actuel des choses, la grande majorité des États de l’UE ne veut pas d’une véritable défense européenne et c’est dans l’aire euro-atlantique, avec les États-Unis dans le rôle de « puissance européenne », que la défense collective de l’Europe s’organise; l’OTAN demeure au centre des enjeux de sécurité continentaux. Risques et menaces se rapprochent dangereusement des limites de l’Union européenne mais les questions de défense dépendent toujours de centres de décision situés outre-Atlantique à plusieurs milliers de kilomètres. Europe-puissance et défense européenne peuvent être qualifiées de « flatus vocis », simples « émissions de voix ». écrit Jean-Sylvestre Mengrenier dans un article intitulé « l’Improbable défense européenne » - Hérodote-2008- n° 128.

L’alliance arabe contre le Yémen ne saurait constituer un contre-exemple ni même une exception. L’action militaire commune, venait toujours à l’appui d’une guerre atlantiste. Aussi, l’opération « tempête décisive » contre les Houthis et qui a réuni 9 pays arabe et déployé 176 avions de combat et 4 navires de guerre, ne déroge-t-elle à la règle. L’alliance qui s’apparente à de la sous-traitance militaire, s’appuie sur des renseignements américains, utilise des armes américaines et sert ainsi les intérêts stratégiques des américains. Le renseignement est à prendre dans les deux sens, par et pour les Etats-Unis, bien-sûr. 
Nul sommet ne peut ainsi trancher le nœud gordien des conflits. Les résoudre militairement. Ne demandons pas l’impossible. Ne demandons pas l’impossible ! 
Que peut un sommet Arabe Alors ? Rien de ce côté-là. Mais il peut faire le bilan de cette mésaventure et poser les jalons d’une défense arabe, plus juste, plus représentative et plus pérenne ! Peut-être une coopération arabo-africaine, plus étroite que les simples « flatis vocis». 

Une diplomatie directe

Dans l’ensemble, le 30 sommet arabe a vu naître une forme de diplomatie directe, pragmatique et technique. L’identité et le destin commun des pays membres ont été affirmés, contre toute tentation sectaire ou isolationniste. Mais aussi contre toute infidélité aux principes fondamentaux de l’action arabe commune. 

L’ensemble des conflits ont été abordés et des résolutions sans ambiguïté leur  ont été apportées. La profondeur et les références pourraient paraître partiales et partielles, l’ascendant manifeste de l’axe Arabie Saoudite –Emirats ( le départ fort remarqué de l’émir du Qatar peut le confirmer) pourrait entamer l’unité réelle du conseil, l’absence de motions économiques, culturelles ou scientifiques devraient refroidir nos ardeurs unificatrices….mais le sommet a réussi l’essentiel : une participation record,  eu égard aux différents conflits qui déchirent la région, une unanimité sur la Palestine, le Golan et la Lybie ( avant la forfaiture de Sissi quelque jour plus tard), la confirmation d’une ouverture sur l’Afrique et surtout l’apparition d’une diplomatie directe : dans le discours les débats et les résolutions. 

Les déceptions dépressives, « préalables », racialistes, s’appuient sur le même biais syllogistique de toujours : la confusion entre argument ad personam et preuve ad rem. Ils accourent à disqualifier la personne pour ne pas avoir à traiter des faits. Ils ont disqualifié le sommet simplement parce qu’ arabe. Vision en tunnel ? Quasi-sûr ! 
La critique de l’action arabe commune est ailleurs…….

J.H.

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