Les ministres Afek restent au gouvernement, Chahed aurait-il dû les laisser partir ?

Les ministres Afek restent au gouvernement, Chahed aurait-il dû les laisser partir ?

 

La nouvelle n’a pas surpris. Youssef Chahed a décidé de garder les ministres et secrétaires d’Etat estampillés Afek Tounes en tant qu’indépendants au gouvernement alors qu’ils étaient venus lui demander de les « décharger » de leurs fonctions suite à la décision de leur parti de se retirer du Document de Carthage et dans la foulée du gouvernement d’union nationale. On voit, ainsi se reproduite le scénario Iyed Dahmani qui lui a anticipé la décision de son parti Al-Jomhouri en annonçant sa démission de cette formation.

La question qui se pose légitimement est : le chef du Gouvernement aurait-il dû laisser partir les membres du gouvernement membres d’Afek Tounés maintenant que ce parti se situe en dehors de la majorité. Rien n’oblige Youssef Chahed d’obtempérer aux ordres d’un parti politique quel qu’il soit, car ayant obtenu la confiance de l’Assemblée des représentants du peuple, c’est à elle, et elle seule qu’il doit des comptes.

Seule une motion de censure votée par l’ARP est à même de lui retirer, à lui et à son gouvernement, la confiance obtenue. Ceci sur le plan institutionnel, c'est-à-dire selon le texte de la Constitution et de la loi.

Pour autant qu’en est-il sur le plan politique ? Sur ce plan, la décision de Youssef Chahed de garder des ministres contre le gré de leur parti est discutable. Car on peut lui opposer le fait que ces membres du gouvernement ont été présentés par leur parti et que si celui-ci ne fait plus partie du gouvernement, ils sont obligés par la force des choses de quitter leurs fonctions.

Là, il faut bien dire qu’il y a des choses à préciser. En effet pour le parallélisme des formes, c’est le président du parti Afek en l’occurrence Yassine Brahim qui aurait dû demander audience au président de la République en sa qualité d’initiateur du gouvernement d’union nationale pour l’informer de la décision de son parti de se retirer du Document de Carthage, lequel a été élaboré et signé au palais de Carthage sous l’égide du Chef de l’Etat. Ensuite,

il aurait dû se présenter au locataire de la Kasbah pour l’informer de la décision du parti de se retirer du gouvernement. Ainsi il aura officialisé le départ d’Afek du gouvernement.

Le fait que Youssef Chahe ait reçu  les membres concernés de son gouvernement, qui eux-mêmes lui ont demandé de les « décharger » de leurs fonctions et non pour lui  présenter leur "démission" a donné à ce dernier la faculté de ne pas accepter leur départ et de les maintenir en tant qu’indépendants, d’autant plus qu’il compte au sein de son équipe ceux qui se réclament de cette étiquette.

Ainsi le fond et la forme sont saufs. Du moins en attendant la réaction de la direction du parti concerné et des autres composantes de la coalition gouvernementale.

Mais par delà le cas Afek Tounés, Youssef Chahed a bien raison de ne pas accéder à la demande de ce parti car il aurait créé un dangereux précédent et même une jurisprudence à laquelle il n’aurait plus la possibilité d’échapper. Ainsi il deviendrait un jouet entre les mains des chefs de parti qui pour un oui ou un non peuvent mettre en péril son gouvernement.

Et si demain d’autres partis pour des calculs politiques ou par machiavélisme décident de lui faire faux bond, il n’est plus contraint de les suivre. Ils doivent réfléchir à deux fois avant de s’engager dans une telle mésaventure.

Un gouvernement pour réussir a besoin de stabilité, car seul le temps peut lui permettre de réaliser ses objectifs. Mais parler à tout bout de champ de remaniement sinon agir pour qu’il survienne est un mauvais service qu’on rend à la démocratie. C’est aussi un très mauvais service qu’on rend au pays.

RBR

 

Votre commentaire