Les services d’incubation : Quel rôle pour l’Etat ?

Les services d’incubation : Quel rôle pour l’Etat ?

Par Dhouha Nasri

Face à un chômage structurel et un marché économique restreint et incapable d’absorber  les flux accrus de demandeurs d’emploi, et parallèlement aux mesures traditionnelles d’incitation à l’emploi qui ont pour vocation l’allègement des coûts de production d’entreprises sous forme de contributions salariales et de prise en charge des cotisations sociales, l’Etat a mis en place, depuis la fin des années 80,un système d’appui à l’entrepreneuriat  et d’encouragement de l’initiative privée. 

Ce système vise à aider les jeunes qui cherchent à s’installer pour leur propre compte à lancer leurs projets en leur préparant le terrain propice à travers la mise à leur disposition, entre autres, d’une panoplie de services d’appui et  d’accompagnement. 

Des mesures qui reflètent  une volonté politique et une vision stratégique qui  a pour objectif de se détacher du modèle classique de l’emploi salarial concentré dans le secteur public et de trouver d’autres pistes pour booster l’investissement et créer la richesse en introduisant sur le marché du travail la notion de l’initiative privée et la promotion de la culture de la prise de risque et de l’innovation. 

Mais la stratégie qui a été mise en place ainsi que les investissements menés dans ce cadre ont-ils été rentables en termes de création d’entreprises et de changement de la vision que la société porte à l’égard de l’entrepreneuriat? La réponse reste, jusqu’a présent, imprécise face à un taux de chômage élevé et en l’absence d’un système d’évaluation d’impact fiable et rigoureux qui mesure l’efficacité des politiques adoptées et donne une visibilité claire sur l’ampleur du potentiel entrepreneurial et les perspectives du travail indépendant sur la sphère économique.
 
Les centres d’appui, de soutien et d’accompagnement : une contribution qui reste insuffisante

En examinant de près l’infrastructure qui a été mise en place par l’état dans le cadre de l’appui à l’entrepreneuriat et à l’innovation, on constate l’existence de nombreuses structures d’appui qui ont été dispatchées sur la totalité du pays. On cite à titre d’exemple l’agence de promotion de l’industrie et de l’innovation (APII), le réseau national des pépinières d’entreprises implantées au sein des institutions universitaires, l’agence de promotion des investissements agricoles (APIA), les centres d’affaires et l’agence nationale pour l’emploi et le travail indépendant (ANETI). 

Ces cellules d’appui offrent gratuitement des services aux entrepreneurs sous forme des formations spécialisées, d’accompagnement dans la réalisation de business plan, d’assistance technique, de facilitation des procédures de lancement d’entreprises ainsi que de suivi des projets et de réseautage. Elles interviennent surtout pendant la phase de démarrage pour orienter le promoteur et le mettre sur la bonne voie.
 
                            

Le deuxième volet sur lequel travaillent ces centres d’incubation est le développement des capacités entrepreneuriales des jeunes à travers l’amélioration de leurs compétences sociales et comportementales comme le leadership, la communication efficace, les techniques de négociation et de persuasion, la gestion du temps et le travail en équipe. 

Lesquelles qualités sont jugées utiles pour la réussite de tout projet entrepreneurial. Dans ce cadre, plusieurs  programmes ont vu le jour comme le programme CEFE (Création d’Entreprises et Formation d’Entrepreneurs) qui vise l’apprentissage des techniques de l’étude de faisabilité et l’élaboration d’un business plan, le programme MORAINE qui permet  aux jeunes de stimuler leur imagination et de développer des idées de projet innovantes qui correspondent à leur capacités et à leurs ambitions, le programme GERME dédié à développer les compétences managériales des jeunes porteurs d’idées et  le programme Forssati,  lancé en 2016 avec l’implication de plus de 50 000 personnes ,et qui vise à renforcer les capacités de porteurs d’idées dans les domaines de TIC, des langues et des compétences comportementales, et plein d’autres programmes assurés par les différentes structures d’appui en collaboration avec les acteurs de la société civile(khaddamni tarba7,Build your business, Mashrou3i..Etc.).

Selon les statistiques publiés par l’ANETI en 2018, le nombre de projets qui ont bénéficié des services d’accompagnement a atteint  13 219 projets : 292 sessions de formation ont été organisées dans le cadre de programme MORAINE et qui ont bénéficié à 3507 porteurs d’idées. Le nombre de participants au programme CEFE a atteint 5236dont 66.6% sont des diplômés de l’enseignement supérieur. 

Malgré la participation d’un bon nombre des jeunes à ces programmes, leur impact positif  reste limité et ne touche pas la majorité des chômeurs  à cause principalement de l’indifférence et de la non-motivation de ces derniers qui cherchent souvent un emploi stable, de l’absence d’une campagne de Com efficace autour de ces programmes dans toutes les régions et du manque des moyens financiers, logistiques et humains pour assurer des formations de bonne qualité basées sur des approches interactives et non limitées aux aspects théoriques.

Le dispositif d’appui à l’entrepreneuriat : quelques pistes de réformes

A la lumière du taux de chômage élevé, de la persistance de déséquilibre structurel entre la demande du marché du travail et le produit de système éducatif et les histoires d’échec récurrentes sur la scène entrepreneuriale, l’état devrait dresser un bilan pour évaluer les mécanismes qui ont été mis en place pour promouvoir l’initiative privée et développer les compétences des entrepreneurs. 

Les études menées, jusqu’à présent, se limitent à recenser le nombre des bénéficiaires de mesures d’incitation à l’entrepreneuriat et leur niveau académique ainsi que quelques indications sur le taux d’insertion mais elles ne donnent pas une visibilité claire sur le pourcentage des jeunes qui achèvent le processus de lancement de projet et encore moins le niveau de développement de leurs capacités managériales et la contribution de celles-ci à la réussite de leur carrière. 

Un système d’évaluation sophistiqué devrait être mis en place pour suivre l’évolution des jeunes porteurs d’idées tout au long de la création de leurs projets et l’aboutissement des mesures d’accompagnement mises à la disposition des entrepreneurs. 

Les efforts devraient être soutenus  davantage afin d’élargir le cercle  des bénéficiaires de services d’incubation et de contribuer à la promotion de la culture entrepreneuriale à travers la collaboration avec les différents acteurs impliqués dans ce processus comme l’université et le média. Aussi, le nombre des structures dédiées au soutien des porteurs d’idées est important par rapport à la population ciblée, en plus d’être rattachées, chacune d’elle, à  une institution gouvernementale indépendante. 

Cela engendre un manque de cohésion au niveau de système de l’appui à l’entrepreneuriat et un chevauchement des efforts. Une consolidation du travail des différentes structures et  l’harmonisation de leurs plans d’actions permettraient d’optimiser l’utilisation de différentes ressources financières, logistiques et humaines déployées dans ce cadre et de rentabiliser le système dans sa globalité.

 

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