Moins de trois mois après sa création, le sort du Front du Salut et du Progrès est scellé

Moins de trois mois après  sa création, le sort du Front du Salut et du Progrès est scellé

 

« Les véritables accords sont les accords en arrière-pensées » disait Paul Valéry. C’est pour ne avoir pris en compte cet axiome, combien essentiel en politique que l’accord sur le « Front du Salut et du Progrès » est parti en fumée aussi vite qu’il a été conclu.

Depuis quelques jours, on assiste à une avalanche de « gels » d’appartenance à ce front annoncé tour à tour par des partis politiques et des personnalités indépendantes. Après le parti de l’action nationale démocratique, c’était autour du poids lourd de cette alliance partisane, Machrou3 Tounés d’annoncer ce gel suivi de Mahmoud Baroudi ancienne figure de l’ANC. Même si sa mort n’est pas encore annoncée, cela ne saurait tarder.

Dans tous les cas, l’accord portant création de ce front peut être qualifié de caduc tant ses composantes fondatrices sont en train de prendre leurs distances d’avec un projet finalement mort-né.

Il faut bien rappeler que sa gestation n’a pas été longue, tant chacune de ses parties constituantes avaient des raisons particulières de pousser à sa formation, quand bien même les principes de base de formation d’un front politique ne sont pas réunis. On peut légitimement se demander quel est le dénominateur commun entre l’Union patriotique libre de Slim Riahi et le mouvement Machrou3 Tounés rassemblé autour de son secrétaire général Mohsen Marzouk, les deux principaux initiateurs du projet.

Les ambitions démesurées des leaders de ces deux partis ne pouvaient à court ou moyen terme que faire éclater l’échafaudage politique le plus tenace. L’apport des dissidents de Nidaa Tounés réunis autour de Ridha Belhaj et comptant de « grosses gueules » ne pouvait que rendre l’attelage encore plus bancal. Sans parler de Mohamed Kilani et son mini-parti, le Parti Socialiste, ni du PUP- Parti de l’unité populaire qui se retrouvent avec une ribambelle de formations politiques avec lesquelles ils ne partagent presque rien.

Le « Front du Salut et du Progrès » dont la création fut proclamée en grandes pompes le 2 avril 2017 n’a pas tenu trois mois, car il avait dès le départ les germes de sa rapide implosion.

Le premier et le plus important c’est que ce front a été créé contre d’autres partis politiques que pour un dessein commun. D’ailleurs, tous les partenaires ont affiché dès sa formation qu’ils prenaient pour cible les deux mouvements principaux sur la scène, à savoir Ennahdha et Nidaa dont ils contestaient la mainmise dans le paysage politique.

Mais ils oubliaient, surtout Mohsen Marzouk et Slim Riahi qu’ils avaient frayé avec ces deux partis et que s’ils s’en étaient écartés c’était pour la simple raison qu’ils n’y avaient trouvé leur place et non pour des divergences politiques ou idéologiques.

Le discours foncièrement hostile au parti islamiste a beaucoup fait douter de la consistance de ce front. Car le leader de Machrou3 Tounès a été l’un des architectes du « tawafok » entre les deux grands partis quand il était secrétaire général du Nidaa, alors que le chef de l’UPL a été l’un des facilitateurs de la rencontre du Bristol qui avait réuni en août 2013 Béji Caïd Essebsi et Rached Ghannouchi.

D’aucuns espéraient que le Front tiendrait jusqu’aux prochaines élections municipales car chacune de ses composantes serait incapable de présenter des listes dans tout le pays (il faudrait quelques 10.000 candidats entre titulaires et suppléants pour chaque parti), mais même ce scrutin a constitué une pomme de discorde puisque Machrou3 Tounés envisage de présenter ses propres listes à ces élections.

Le coup de massue que constitue le gel des avoirs, biens et comptes bancaires du président de l’UPL va être le dernier clou qui sera planté dans le cercueil de ce Front du Salut et du Progrès. Rien que pour cette raison beaucoup des composantes vont prendre leurs distances même si elles vont répéter à l’envi que ceci n’a rien à voir avec cela.

La photo de famille où on voit côte-à-côte Marzouk, Riahi, Belhadj, Kilani, Mahmoud Baroudi, Abdelaziz Kotti et les autres est désormais du passe. Mais Marzouk ne perd pas espoir puisque pour l’avenir il voit bien un « Front » qui réunirait sa propre personne Ahmed Néjib Chebbi, Saïd Aïdi, Mohamed Jegham, Mehdi Jomaa, et pourquoi pas Mondher Zenaïdi. On peut toujours rêver.

RBR

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