Moncef Marzouki et « Chaab Ennahdha » : ça passe ou ça casse

Moncef Marzouki et « Chaab Ennahdha » : ça  passe ou ça casse

 

L’ancien président provisoire Moncef Marzouki sait que sans l’appoint des électeurs d’Ennahdha, il n’a aucune chance de figurer parmi les hommes politiques qui pèsent sur la scène politique tunisienne. Il a beau changer son parti de nom dans le but d’attirer plus de sympathisants, il ne fera jamais changer cette réalité. Que ce soit le Congrès pour la république ou Harak Tounés el-Irada, cela reste en deçà de ses ambitions de reprendre une place de choix dans le paysage politique et être en mesure d’entrer du bon pied dans la compétition pour reprendre son fauteuil au Palais de Carthage. C’est l’espoir qu’il continue à caresser et rien ni personne ne pourra le détourner de ce but.

Plus la date du scrutin présidentiel s’approche, plus Marzouki va s’affairer pour avoir les meilleurs atouts entre les mains. Quitte à faire les Cassandre et les oiseaux de mauvais augure. Et là il ne lésine pas sur les déclarations qui obscurcissent l’horizon annonçant coup sur coup une prochaine révolution qui va tout emporter ou l’anarchie qui finira par s’installer pour bouter la contre-révolution dehors. Il n’oublie pas, ce faisant, de montrer sa solidarité avec « les révolutionnaires » victimes de répression, entendez les Frères musulmans en Egypte et ailleurs avec leur symbole « (son) frère Mohamed Morsy », l’ancien président islamiste.

L’ancien président provisoire fait tout pour caresser les nahdhaouis dans le sens du poil. Il sait que la base du mouvement continue à encenser la révolution sans laquelle le parti islamiste n’aurait jamais pu reprendre sa place sur la scène politique. Il sait aussi que cette même base reste attachée à la mouvance « frères musulmans » et qu’elle est sensible à tout sentiment de soutien avec les « frères » égyptiens dans leur « «épreuve ». En affichant sans avoir apporté la moindre preuve qu’il a sauvé Ennahdha d’un putsch semblable à celui survenu en Egypte lorsqu’il était à Carthage, il veut tout à la fois ôter à la direction du parti islamiste le bénéfice de la faveur qu’elle lui avait faite de le choisir pour accéder à la présidence en 2012 tout en se présentant devant la base nahdhaouie comme leur sauveur d’un scénario à l’égyptienne.

En se rappelant au bon souvenir de « Chaab Ennahdha » un terme qu’il a déjà utilisé et qui a été mal accueilli par la direction du mouvement islamiste, Moncef Marzouki sait qu’il a suscité la colère de Rached Ghannouchi et de ses proches. Mais il n’en a cure. Il a conscience qu’au sein d’Ennahdha et même auprès de certains dirigeants qui contestent la mainmise du leader du parti, il va trouver des oreilles attentives. Il sait surtout que son discours est accueilli favorablement auprès d’une base qui n’a pas approuvé, loin s’en faut, l’alignement du leadership du mouvement islamiste sur la politique incarnée par Béji Caïd Essebsi et ses amis.

Ces positions de l’ancien président de la république ne font pas plaisir à Rached Ghannouchi et ses proches. Et c’est peu de le dire. Ali Larayedh alors qu’il était secrétaire général d’Ennahdha avait proclamé que les bases de son parti sont « enregistrés au cadastre » pour dire qu’il n’y a pas de risque qu’elles aillent voir ailleurs. Mais cela ne semble pas aller de soi. C’est pourquoi, on a entendu Abdelfattah Mourou l’un des dirigeants historiques du mouvement s’élever avec vigueur contre l’attitude de Marzouki. Samir Dilou un autre dirigeant nahdhaoui même s’il paraissait en rupture de ban avec le président de son mouvement depuis le 10ème congrès tenu en mai a appelé Marzouki à observer un devoir de réserve en sa qualité d’ancien président. Même si Rached Ghannouchi ne veut pas rentrer dans cette polémique, il n’est pas certain qu’il demeurera longtemps sur cette ligne.

Il faut s’attendre dans les prochains mois à ce que Marzouki utilise ces mêmes arguments pour s’attirer la sympathie de « Chaab Ennahdha ». Cela lui réussit déjà puisqu’il a amélioré son capital sympathie dans les sondages d’opinion. Dans le baromètre du mois de septembre d’Emrhod Consulting il a gagné 10 points par rapport à juillet passant de 6,3% à 16,3% dans les intentions de vote. Plus on se rapprochera de la date fatidique du scrutin présidentiel en 2019 plus il sera insistant. Car c’est pour lui la seule façon de demeurer dans la course. Sans le million de voix des Nahdhaouis il sait qu’il n’a aucune chose d’être sur les tablettes. A moins qu’il y ait un poids lourd du mouvement islamiste dans la compétition et pourquoi pas Rached Ghannouchi en personne.

Alors pour Marzouki, attirer à lui « Chaab Ennahdha », ça passe ou ça casse.

RBR

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