Pour la coordination des initiatives citoyennes et démocratiques

Pour la coordination des initiatives citoyennes et démocratiques

Par Moncef BEN SLIMANE (Prof. Universitaire)

Plus de 8 années sont passées depuis le déclenchement de la révolution tunisienne qui a suscité de grands espoirs parmi nos citoyens et qui a servi d’exemple pour nos voisins, les peuples du monde arabe.

Aujourd’hui - et sans nier les avancées enregistrées par notre pays depuis le 14 janvier 2011- nous ne pouvons ignorer les sentiments de frustration, de lassitude et, parfois, de colère qui gagnent des pans de plus en plus larges de la population.

LA TRANSITION DEMOCRATIQUE EST REVERSIBLE 

En effet, un bilan rapide du chemin parcouru par les différents gouvernements qui se sont succédé aboutit au constat suivant :
•Une hausse vertigineuse du coût de la vie, un crack financier qui pointe à l’horizon ainsi qu’un développement régional qui tarde à démarrer ;

•Une ARP dont la représentativité et la légitimité posent problème et, au sein de laquelle, les gesticulations et positions de certains députés témoignent d’une absence totale de sérieux et de responsabilité quant à la fonction qu’ils exercent ;

•Une situation sécuritaire instable menacée en permanence par des professionnels du terrorisme, qui disposent du soutien logistique, financier et politique de certains partis de la place et de pays de la région qui espèrent voir régner en Tunisie un régime islamiste à leur solde ;

•Un paysage médiatique dont la réforme et la mise à niveau peinent à voir le jour permettant ainsi aux amateurs du Buzz, aux lobbys et autres forces occultes nationales et étrangères de manipuler,corrompre,  et orienter  journalistes et médias nationaux ;

•Une justice qui continue à fonctionner sous la coupe de ceux qui, durant des décennies, l’ont mise au service du régime de Ben Ali, garantissant ainsi l’impunité aux hauts responsables politiques corrompus aux hommes d’affaire véreux et aux trafiquants de tout poil ;

•Une jeunesse qui s’est vue délestée de sa propre révolution et qui continue d’alimenter les cohortes de chômeurs tout en servant de vivier aux apprentis-sorciers du terrorisme.

Est-il nécessaire de rappeler que les transitions démocratiques sont éminemment réversibles ?que l’histoire des pays de l’est ou de l’Amérique latine est la preuve flagrante que les nostalgiques de la dictature et de l’autoritarisme sont toujours à l’affût pour profiter du moindre faux pas ou recul de la société civile et des forces politiques porteuses du projet démocratique ?

FAILLITE DE LA DEMOCRATIE REPRESENTATIVE 

C’est pour cette raison que nous estimons que les échéances politiques, à court et à moyen terme, qui attendent ceux qui ont cru à la dignité retrouvée des Tunisiens et tunisiennes,exigent vigilance et mobilisation.

La démocratie représentative et procédurale n’a servi que les élites politiques nouvelles et anciennes en leur servant de tremplin au pouvoir et privilèges qui vont avec. Quant au citoyens tunisiens, aux jeunes, les oubliés de la révolution, ils sont confinés à leur son rôle de spectateur.

Les adeptes de la politique politicienne font tout ce qui est en leur pouvoir pour présenter le paysage politique national comme définitivement partagé entre deux grands partis :Nida Tounes et Ennahdha. Ils essaient de faire croire aux Tunisiens(ne)s que c’est la seule alternative politique et électorale utile et crédible qui s’offre à eux.

Cette façon de voir ne repose évidemment sur aucune évaluation objective et ressemble plus à une tentative de manipulation et de cadenassage de l’opinion publique. Plus grave, elle cherche à accorder légitimité et crédibilité à deux formations politiques dont les actions, les programmes et les dirigeants sont loin de répondre aux véritables attentes et aspirations de la majorité des Tunisiens-nes qui rêvent d’une terre de paix et de tolérance, d’un pays phare des libertés publiques et démocratiques et d’une société juste et économiquement performante.

CONSTRUIRE UNE ALTERNATIVE CITOYENNE 

Notre si jeune transition démocratique pour laquelle se sont battus des milliers de militant(e)s depuis des décennies et pour laquelle se sont sacrifiés les martyrs de la révolution, fait du sur-place pour ne pas dire recule.

Aussi, nombreux sont ceux et celles qui sont dans l’expectative d’une initiative capable de présenter une véritable alternative qui rompt définitivement et réellement avec le passé, d’une part,  et qui répond aux aspirations à la dignité, à la liberté et à la démocratie clamées et réclamées par nos citoyen(ne)s depuis le déclenchement de la révolution, d’autre part.

Pour construire cette alternative,sont concernés les activistes de la société civile, les sensibilités politiques indépendantes,les hommes et femmes de lettres et de culture… tous ceux et toutes celles qui ont à cœur l’émergence d’un lieu de convergence d’idées et d’une force de proposition.

Les sit-in, les mouvements sociaux dans les régions ou les campagnes de citoyenne ou le score des indépendants lors des élections municipales sont le signe que le vrai clivage actuel oppose, d’une part partis politiques, d’autre part.

Aujourd’hui sur la scène politique.Nombre de personnalités et de composantes de la société civile organisent rencontres et débats. C’est le signe que le désir et la volonté de changement s’imposent à tous les porteurs d’un projet civilisationnel tunisien novateur, crédible et efficace.

Toutefois, le spectre d’un éparpillement des forces plane toujours sur ces initiative. Nous pouvons l’écarter si nous réussissons une  large adhésion des Tunisiens(ne)s aux valeurs de la citoyenneté, de la paix et de la dignité si nous nous engageons à mettre un terme à la division et à la dispersion des forces citoyennes et démocratiques, seul rempart face aux stratégies politiciennes opportunistes et  aux projets obscurantistes.

Espérons que cet appel trouvera écho auprès de toutes celles et tous ceux qui cherchent à approfondir les débats et multiplient  rencontres et échanges en vue d’être ensemble pour les prochaines batailles politiques et citoyennes et pour marcher du même pas vers l’idéal d’une Tunisie véritablement fidèle à ce grand jour du  14 janvier 2011.

 

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