Pour un "smart unckloc" de l'économie de rente (2)

Pour un "smart unckloc" de l'économie de rente (2)

Par Mahjoub Lotfi BELHEDI, Spécialiste en réflexion stratégique 

Pour se prémunir contre toute forme de "discrimination rentière"  entre public / privé,   les  parties 2 & 3 de l'article vont suggérer une série de mesures spécifiques  à ces deux principales configurations économiques  du pays*.

Dans ce cadre précis,  il s'avère utopique de cibler tous les secteurs d'activité, ce qui  nous amène à choisir des  activités économiques clés - auxquelles le système rentier est profondément ancré - sur la base de leurs apports possibles à court et à moyen terme au redressement de la donne  budgétaire et macro-économique hautement critique …

A cet effet, nous avons opté  pour un nombre réduit d'opérateurs  économiques  (public/privé) impactants, en l’occurrence :

 la CPG, la STAM, Tunisair d’où la culture rentière ne date pas d’aujourd’hui, montée de toutes pièces par une oligarchie politico-syndicale boulimique bien structurée,

et le cartel bancaire* en troisième et dernière partie de l’article.

1 / Le cas de la CPG : Quand le bassin minier va mal, rien ne va !

Aujourd’hui, nul ne peut contester l'effet domino dévastateur du  secteur de phosphates sur les caisses de l'Etat, mais aussi sur le PIB,  le secteur agricole et les structures de transport satellitaires (SNCFT / Port de Skhira).

De même, les facteurs explicatifs d'une telle situation dramatique sont connus de tous (un corporatisme + un tribalisme à outrance) et ne serviront à rien s’ils ne sont pas assortis d’une batterie de mesures spécifiques doublement  audacieuse et innovante !

Par analogie, la CPG, la STAM et Tunisair sont atteints depuis une belle lurette d'une insuffisance respiratoire aiguë et chronique qui exige de passer, en urgence, à un traitement par  oxygénothérapie !

 Les Concentrateurs  d'oxygène possibles

a – En urgence :

Déclarer  le bassin minier en tant qu'une zone militaire et ce en application du decret présidentiel n° 2017-90 du 3 juillet 2017. Il s'agit strictement d'une sécurisation des lieux  de travail et non d'une militarisation du processus de production,

b- A court terme : 

Procéder à l’intégration au cas par cas des « Sociétés de l’Environnement, de Plantation, et de Jardinage»  au sein de  « l'Office de Développement du Sud »  (ODS) moyennant une extension de ses attributions prévues dans la loi de 18 Juillet 1994. 

Doter l'Office de Développement du Sud (ODS) des ressources financières suffisantes   issues directement des contributions à  titre de RSE (la responsabilité sociétale des entreprises)  des différentes compagnies pétrolières et minières de la région du sud.

c- A moyen terme :

Repenser le modèle de développement de la région  de Gafsa par voie de  promotion des mégaprojets  alternatifs à vocation agricole et environnementale (énergie solaire).

L’ouverture d’une fraction du capital social de la CPG à un partenaire stratégique sous réserve que l’Etat garde le statut d’actionnaire majoritaire. 

2 / Le cas de la STAM : Quand le statu quo persiste,  la prise d’otage de l’économie continue !

Certes, il n'est plus un secret de polichinelle que la STAM incarne parfaitement le système rentier dans le secteur public. 

En occasionnant des pertes colossales en termes de staries / surestaries et un manque à  gagner de l'ordre d'un milliard de dinars par an  -  statistique de 2020 -, cette entreprise ne cesse de prendre en otage toute l’économie nationale. Chose est sure, que cette situation ne peut plus durer indéfiniment ! 

Les Concentrateurs  d'oxygène possibles

a – En urgence :

Procéder à l’intégration de la STAM dans le  processus de Partenariat Public Privé (PPP)  portant, en première phase, sur la  conception,  la réalisation d’ouvrages, la fourniture d’équipements  et la maintenance (PPP á caractère partiel) conformément à la loi 49-2015 relative aux contrats de partenariat Public Privé telle que modifiée par la loi n°2019-47 du 29 mai 2019 relative à l’amélioration du climat des affaires.

Il est à noter que les capacités de « l’Instance Générale de Partenariat Public Privé » (IGPPP) ont été renforcées  récemment par la mise en service du « Fonds d'appui aux partenariats » ! 

b- A court terme : 

Dès que les travaux de construction des nouveaux quais arrivent à  terme,  l’autorité de tutelle est appelée à agir par voie de concession d'outillage et d’équipement portuaires des quais 8 et 9 du port de Rades à des opérateurs privés en vertu de l'article 2 de la loi 2008 relative aux concessions et les dispositions particulières du code des ports maritimes tunisien.

c- A moyen terme : 

A l’instar de ce qui se passe au monde, il est temps de revoir le modèle d'exploitation et de gestion de nos ports de commerce via la mise en place progressive « d'un réseau de ports autonomes ».

3 / Le cas de Tunisair : Quant le ciel s'ouvrira, Tunisair décollera !

Au delà du déficit chronique de Tunisair et ses impacts néfastes sur les équilibres budgétaires de l’Etat, la centrale syndicale et les représentants syndicaux de cette compagnie s'obstinent sciemment à hypothéquer l'avenir du secteur touristique en s'opposant au processus de ratification de l’accord d'Open Sky  avec l'UE entrepris depuis 2008 et paraphé en 2017 par le gouvernement tunisien !?

Selon l’UE « l'ouverture du ciel  tunisien générerait 2,7 points de croissance du PIB du tourisme et 800 000 passagers de plus sur cinq ans » !

Ceci dit, toute tentative de restructuration  de « Tunisair » sans accord définitif  d'Open Sky avec l’UE est une opération vouée stratégiquement à l’échec.

Les concentrateurs d'oxygène possibles

a- En urgence :

Activation  de la cadence d’exécution  du plan de restructuration surtout en termes d’assainissement, 

Procéder à la ratification  de l’accord d'Open Skye dans les plus brefs délais avant qu’il soit trop tard !

b- A court terme : 

L’ouverture d’une fraction du capital social de « Tunisair » à  un partenaire stratégique pourvu que l’Etat garde son statut d’actionnaire majoritaire.

c- A moyen terme : 

Se préparer à l'ère des « alliances des compagnies aériennes » permettant à « Tunisair » de défendre sa part de marché, d'améliorer l'efficacité de ses opérations (partage des infrastructures etc.) et surtout de restaurer son image en présentant ses services  sous une marque unique et prestigieuse de l'alliance etc.

A suivre !

Nb :

* Nos suggestions de déverouillage du système de rente reposent sur des textes juridiques en vigueur évoluant dans un contexte politique favorable à les mettre en œuvre.

* Pour bcp le terme cartel est source de crainte et de confusion, au contraire, au sens général, il s’agit d’une entente réalisée entre plusieurs entités  (entreprises, syndicats, politiques, etc) en vue d'une action commune.

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