Rencontre avec un djihadiste français: "Les pays occidentaux sont racistes et ne croient pas à la liberté religieuse"

Rencontre avec un djihadiste français: "Les pays occidentaux sont racistes et ne croient pas à la liberté religieuse"

 

Pour Abou Mariam, le trajet entre Toulouse, sa ville natale, et la villa transformée en forteresse de djihadistes qu'il occupe au nord-ouest de la Syrie aura été étonnamment rapide. Adolescent, il a connu l'alcool, les drogues et le sexe. A 19 ans, histoire d'échapper aux pressions du quartier difficile qui l'a vu grandir, il se convertit à l'islam. Cinq ans plus tard, le voilà qui arbore une AK-47 et patrouille les montagnes pour le compte de l’organisation État islamique.

C'est en français et chez lui que nous nous sommes entretenus avec l'homme qui se fait désormais appeler «Abou Mariam», son nom de guerre. La maison où il nous accueille donne sur les hauteurs de Kassab, une ville arménienne à quelques encablures du bastion alaouite de Lattaquié, et il la partage avec un djihadiste saoudien de 28 ans. Au moment de l'interview, en juin, les djihadistes essayaient de prendre ce territoire stratégiquement très important –situé entre la bordure méditerranéenne que contrôle le gouvernement et la Turquie– des mains des forces loyalistes.

Le Français de 24 ans, ingénieur du BTP, porte l'uniforme djihadiste classique: un pantalon à imprimé camouflage, une longue chemise et une barbe qui lui descend jusqu'au torse. Selon lui, la population locale l'apprécie car il se charge des patrouilles dans le périmètre du village, un boulot dangereux. Quand il n'est pas à faire sa ronde ou à prier, il s'exerce au tir. Il dit n'avoir jamais été aussi heureux.

Un quart des djihadistes européens originaires de France

Abou Mariam n'est qu'un exemple parmi les quelque 3.000 Européens combattant à l'heure actuelle en Syrie et en Irak –dont un quart seraient originaires de France. Et il ne travaille pas uniquement avec l’organisation État islamique. Il lui est aussi arrivé de combattre dans les rangs du Front al-Nosra. S'il n'est qu'un soldat de base, son fanatisme lui aura ouvert la confiance de ses chefs. Il œuvre parfois en ambassadeur officieux de l’organisation, à chercher des contacts ou à tirer des ponts avec d'autres groupes djihadistes.

La Syrie est un rêve devenu réalité pour Abou Mariam. «Désormais, je mène la meilleure vie possible et j'en suis extrêmement heureux. La vie n'est qu'une question de dignité et de fierté, et je ne connais que cela aujourd'hui», dit-il.

«Début 2013, la crise syrienne a commencé et je savais déjà que le Levant était une terre sacrée, offerte à la protection du Prophète (paix et bénédictions sur lui). C'est à cette époque que je suis parti en Syrie, via la Turquie.» Abou Mariam n'a en poche que quelques photos de famille et 250 euros quand il se présente à la frontière syrienne, où il se fait passer pour un travailleur humanitaire. Mais il refuse de dire comment, une fois arrivé en Syrie, il a rejoint les rangs des djihadistes.

Pour lui, le conflit syrien n'est pas une guerre, c'est un moyen d'éprouver sa foi et sa dévotion à l'islam. Le djihad est l'expression ultime et purificatrice de la foi, dont l'apothéose est le martyre et ses récompenses célestes. «Je ne suis qu'un maillon de la conquête de l'islam», explique Abou Mariam «et j'ai hâte d'atteindre le paradis grâce au djihad pour la cause d'Allah. Nous [les musulmans] sommes promis au paradis parce que nous avons écouté les paroles d'Allah. L'islam est vraiment une religion extraordinaire. Elle touche tous les aspects de la vie. Elle donne un sens à l'existence humaine.»

«J'ai dévoué toute ma vie au djihad»

Quand Abou Mariam parle de sa religion, sa voix se brise. «J'ai dévoué toute ma vie au djihad», dit-il. Il se dit aussi blessé, même si aucune cicatrice ne peut attester ses propos. «Je ne cherche que le paradis; qu'y-a-t-il de meilleur?»

«Nous croyons à la vie après la mort», explique Abou Mariam. «Une vie bienheureuse à proximité d'Allah. Le martyre est probablement le chemin le plus court vers le paradis, et ce n'est pas quelque chose qu'on m'a appris. Je l'ai directement vu sur mes camarades martyrs. Sur leurs visages, j'ai vu la félicité et j'ai senti l'odeur de musc qu’exhalent leurs dépouilles. Rien à voir avec les mécréants, les ennemis d'Allah, qui n'ont que de la laideur à montrer et dont les cadavres sentent encore plus mauvais que des porcs.» (slate.fr)

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http://www.slate.fr/story/92937/rencontre-djihadiste-francais#xtor=RSS-2