Sale nuit pour Rached Ghannouchi, Ennahdha affaibli et la coalition fissurée

Sale nuit pour Rached Ghannouchi, Ennahdha affaibli et la coalition fissurée

Longue était la nuit d’hier à l’Assemblée nationale du peuple lors de la plénière consacrée au vote de la motion de refus de toute ingérence dans les affaires internes en Libye. Présentée par le groupe parlementaire du Parti destourien libre, elle a finalement obtenu 94 voix pour, 68 contre et 7 abstentions, soit 15 de moins que la moitié absolue, 109.

Mais au-delà du résultat, la plénière qui a été, comme d’habitude, houleuse émaillée de plusieurs incidents, échanges vifs, accusations et contre accusations, a approfondi les dissensions au sein d’un parlement plus divisé que jamais. Et écorné une image déjà terni d’une assemblée vouée aux gémonies.

La plénière a opposé d’un côté un PDL emmenée par sa présidente Abir Moussi, plus que jamais déterminé à en découdre avec Ennahdha et son président et de l’autre  le mouvement de Rached Ghannouchi fermement décidé à faire tomber la motion dont l’adoption risque de l’affaiblir davantage au sein d’un parlement qu’il cherche à contrôler et de lui faire perdre la face chez ses amis étrangers. Avec une virulence inouïe, Moussi qui a porté une charge violente contre Ennahdha et son président, a réussi à créer une fissure au sein de l’alliance gouvernementale, en ralliant à sa motion six groupes parlementaires et plusieurs autres députés. Les 94 voix proviennent des blocs de Qalb Tounes, la Réforme, Tahya Tounes, la Nationale, les indépendants et…le mouvement Achaab en plus que quelques non-inscrits. Un bon point pour Moussi et son parti qu’on disait bannis et esseulés à l’intérieur de l’hémicycle.

Par contre, Ennahdha qui a tout fait pour éviter d’essuyer un échec qui paraissait annoncé, s’est trouvé dos au mur. Le mouvement est sorti affaibli de cette dure bataille. Ses alliés au sein du gouvernement, Tahya Tounes, la Réforme et surtout le mouvement Achaab ne l’ont pas suivi. Bien pis : Qalb Tounes sur qui il comptait beaucoup l’a abandonné pour rallier le PDL. Il n’a pu sauver la face que grâce aux députés du Courant démocrate qui l’ont rallié aux dépens de leurs alliés du mouvement Achaab, provoquant une fissure au sein du second groupe parlementaire. Coup dur qui risque d’ébranler durement une coalition déjà hétérogène. Son président Rached Ghannouchi, qui a passé une sale nuit, a essuyé de violentes charges non seulement de la part de la présidente du PDL mais également de la part de ses « alliés ». Même son second Tarek Ftiti ne l’a pas épargné l’appelant à présenter des excuses aux Tunisiens. Plutôt diviseur que rassembleur, selon ses critiques, il est le plus grand perdant, malgré son stoïcisme face aux charges de certains députés. En tant que président du Parlement, il a été fortement malmené, perdant cette aura dont ses fidèles l’ont toujours magnifié. La menace d’un retrait de confiance est désormais possible.

L’après 03 Juin 2020 ne sera plus comme avant. Une nouvelle reconfiguration s’annonce au sein du Parlement et dans la scène politique nationale.

B.O

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