Constitution: Des voix s’élèvent déjà pour son amendement

Constitution: Des voix s’élèvent déjà pour son amendement
 
 
Deux années après son adoption,  la nouvelle Constitution dont tout le monde s’en félicitait, ne serait plus du goût de certaines parties. De plus en plus, des voix commencent à s’élever pour demander sa révision. Paradoxalement, c’est le Président de la république, Béji Caid Essebsi qui en parle beaucoup, alors qu’il est censé selon la constitution « veiller à son respect ». 
 
Il  l’a fait, une première fois, et sans que personne ne l’interpelle sur ce sujet, lors de la fameuse rencontre avec les médias bahreinis, à Manama, à l’occasion de sa visite officielle à l’Etat de Bahrein. Le chef de l’Etat a déclaré que le régime présidentiel, loin d’être, comme c’était le cas dans le passé,  « présidentialiste », c’est- à-dire un système politique dans lequel le président a tous les pouvoirs, demeure pour lui le meilleur régime dans la mesure où le Président, doit, conformément à la nouvelle Constitution, rendre compte devant le peuple.
 
Pour lui, le nouveau système politique prévu par la Constitution, en l’occurrence un régime politique hybride, ni présidentiel ni parlementaire, est un régime controversé, voire une arme  à double tranchant, autrement dit, un atout que l'on peut utiliser contre les autres mais qui peut à tout moment se retourner contre soi. Ce régime serait, selon lui, à l’origine du retard qu’accusent les réformes. 
 
Il l’a fait, une seconde fois, lors de l’interview accordée à la chaîne El Watania à son retour d’El Manama. Au quotidien, le Président Béji Caid Essebsi, qui contrôle de fait -bien de fait- le législatif et l’exécutif, par la cooptation-nomination de deux personnes acquises à lui, Mohamed Ennaceur à la tête de l’Assemblée des représentants du peuple  (ARP) et Habib Essid à la tête de la présidence du gouvernement, pratique en réalité le régime présidentiel, c'est-à-dire a les pleins pouvoirs.
 
Le Chef de l’Etat n’est pas le seul à plaider pour la révision de la Constitution et l’institution du régime présidentiel. Le dirigeant d'Ennahdha, Lotfi Zitoun, estime à son tour, dans un article publié, mardi 23 février 2016, dans le quotidien Alchourouk, qu’ «il faut amender la Constitution du pays ».
 
Lui aussi revient sur le système hybride adopté par la nouvelle Constitution. Il considère que ce régime, en débouchant sur deux décideurs pour le pays (le pouvoir exécutif et le parlement), est « le principal responsable des crises qu’a connues le pays depuis 5 ans ».  
 
L’initiative de Lotfi Zitoun paraît, cependant,  bizarre, très bizarre même lorsqu’on sait que les Nahdhaouis, alors majoritaires durant la Constituante,  avaient le plus défendu ce régime. Ce même régime  lequel continue à les servir en ce sens où il leur permet d’être au sein du pouvoir et en dehors du pouvoir. La question qui se pose dès lors : pourquoi le fis spirituel de Rached Ghannouchi soulève une telle problématique en ce moment? Le timing n’est pas fortuit.  Est-ce encore une diversion ? Le doute est permis. 
 
Le régime hybride est un mal nécessaire
 
Pour mémoire, rappelons que ce régime hybride a fait l’objet d’un long débat lors de la Constituante. Il n’était pas certes le régime idéal tant il était réputé pour être synonyme  de populisme, de lenteur et de consensus mou. Les opposants à ce régime rappellent toujours que ce système politique a créé des monstres comme Hitler et Mussolini et favorisé le déclenchement des deux guerres mondiales, résultat de l’abdication politique de régimes parlementaires. Pour les constituants qui l’avaient adopté ,avaient à l’esprit que ce système présentait, néanmoins, l’avantage de dissuader « tout retour des dictatures présidentialistes précédentes »,  et leurs corolaires, « l’usage et l’abus de pouvoir ». 
 
Conséquence : ce régime hybride était un mal nécessaire. Il est vrai qu’il n’aide pas beaucoup à faire avancer les réformes et l’adoption des lois devant traduire en application la Constitution, mais il a permis d’empêcher l’adoption de lois scélérates telles que la loi sur la réconciliation financière et économique qui avait pour but non-dit le recyclage de la corruption et de dissuader le vote d’articles non constitutionnels de la loi de Finances 2016.
 
Cela pour dire que pour le moment ces bienfaits sont plus importants que ces méfaits. Quant à ceux qui mettent la pression pour son changement,  il semble que le moment est mal choisi pour une raison simple. Le pays, qui vit encore une transition démocratique, n’a pas encore achevé la mise en place de toutes les institutions et tous les pouvoirs prévus, particulièrement le pouvoir local (élections municipales). 
 
C’est pour cette raison qu’il ne peut pas se permettre le luxe d’amender une Constitution adoptée depuis deux ans, d’autant plus qu’il est écrit partout que les constitutions n’ont jamais fait le bonheur des peuples et que c’est tout juste, une référence, un garde-fou légal pour contenir les dérapages. La Grande-Bretagne, un  des bastions de la démocratie, du progrès et de la civilité, n’a pas de Constitution. Moralité : si on veut servir le pays, on n’a pas nécessairement besoin d’une Constitution.
 
KIM
 
 

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