La liberté de la presse menacée" par la collision entre la finance et les médias

La liberté de la presse  menacée" par la collision entre la finance et les médias

"N'attendez pas qu'on vous prive de l'information pour la défendre !"

La liberté de la Presse, célébrée le 3 mai de chaque année à travers le monde, a été instaurée en 1993 par les Nations Unies pour honorer les principes de la liberté de la presse et rendre hommage à ceux qui ont combattu et payé de leur vie en l’exercice de ces mêmes principes.

Le 03 mai est donc à la fois une journée d'évaluation afin de dresser le portrait de la liberté de la presse à travers le monde, une journée pour rappeler aux États le respect des engagements qu'ils ont pris envers la liberté de la presse et une journée de dénonciation pour condamner les atteintes à cette liberté et les risques encourus par de nombreux journalistes à rapporter et à véhiculer l'information à travers le monde.

Publié chaque année depuis 2002 à l’initiative de Reporters sans frontières (RSF), le Classement mondial de la liberté de la presse permet d’établir la situation relative de 180 pays au regard notamment de leurs performances en matière de pluralisme, d’indépendance des médias, de respect de la sécurité et de la liberté des journalistes.

L’édition 2021 du Classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières (RSF) démontre que le principal vaccin contre le virus de la désinformation, à savoir le journalisme, est totalement ou partiellement bloqué dans 73 % des pays évalués par RSF.

Pour la cinquième année consécutive, la Norvège est classée au premier rang, même si les médias ont mis en exergue un manque d’accès aux informations publiques sur la pandémie. La Finlande conserve sa place de deuxième, tandis que la Suède (3e, +1) retrouve sa place de troisième, perdue l’année dernière au profit du Danemark (4e, -1). L’édition 2021 du Classement confirme donc une forme de “domination nordique” ou, sous un angle moins concurrentiel, de “modèle nordique”.

Seuls 12 pays sur 180, soit 7 % (au lieu de 8 % en 2020), peuvent encore se targuer d’offrir un environnement favorable à l’information.

Afrique du Nord

La Tunisie est classée 73ème au Classement mondial de la liberté de la presse 2021. Elle perd une place par rapport à 2020.

En Tunisie, la liberté de la presse et de l’information est l’acquis le plus important de la révolution. Depuis les élections générales de 2019, elle est, plus que jamais, un enjeu politique, et les parlementaires et les politiciens d’extrême droite n’hésitent plus à s’en prendre ouvertement aux acteurs des médias. D'une manière générale, le climat de travail des journalistes et des médias s’est nettement détérioré. Les parlementaires islamistes comme ceux d’El Karama ont un discours de haine envers les membres de la HAICA et les violences envers les journalistes et les médias se sont multipliés.

L’Algérie est classée 146ème retrouve la même place qu’en 2020.

Le Maroc est classé 136ème au Classement mondial de la liberté de la presse 2021. Il perd 3 places par rapport à 2020.

La Libye est classée 165ème au Classement mondial de la liberté de la presse 2021. Elle perd une place par rapport à 2020.

En Europe

L’Europe reste le continent le plus favorable à la liberté de la presse. Les pays nordiques occupent les premières places. .

L’Allemagne est 13ème et perd 2 places par rapport à 2020. Des dizaines de journalistes ont été agressés par des manifestants proches des mouvances extrémistes et complotistes lors de rassemblements anti-restrictions sanitaires, ne fait plus partie, en 2021, de ce pré carré.

La France est 34ème au Classement mondial de la liberté de la presse 2021. Elle retrouve le même rang qu’en 2020.

La couverture des manifestations est devenue un exercice compliqué pour les reporters, confrontés à de nombreux cas de violences policières. Plusieurs journalistes ont été blessés par des tirs de LBD (lanceurs de balles de défense), de grenades lacrymogènes ou par des coups de matraque. D'autres ont été la cible d’interpellations arbitraires ou ont vu leur matériel de reportage saisi. Une partie de ces incidents ont notamment eu lieu lors des rassemblements contre la proposition de loi relative à la sécurité globale. Les journalistes d’investigation ne sont pas non plus à l’abri des pressions. Au cours de l’année 2020, au moins deux d’entre eux ont été convoqués par la police des polices (IGPN) dans le cadre d’enquêtes pour « recel de violation du secret professionnel », un recours qui peut menacer le secret des sources. La législation sur la protection du secret des sources demeure à cet égard insuffisante, la loi de 2010 permettant que l’évocation d’un simple “impératif prépondérant d’intérêt public” justifie de passer outre le principe de la confidentialité des sources. En 2016, le Conseil constitutionnel avait annulé une réforme positive. L’indépendance éditoriale des médias reste aussi un point sensible, du fait de la concentration verticale des médias, autrement dit de leur intégration à des groupes ayant des intérêts dans d’autres secteurs de l’économie. Cette situation favorise les conflits d’intérêts et nourrit la défiance.

Moyen-Orient

Au Moyen-Orient, les pays les plus autoritaires, l’Arabie saoudite (170e), l’Egypte (166e), la Syrie (173e, +1) et l’Iran (174e -1), ont renforcé leurs pratiques de musellement de la presse et réaffirmé leur monopole de l’information à la faveur de la crise sanitaire. Dans cette région du monde, qui reste la plus dure et la plus dangereuse pour les journalistes, la pandémie de Covid-19 n’aura fait qu’exacerber les maux d’une presse déjà à l’agonie.

Les médias contrôlés par des hommes d'affaires

Ce tableau de bord pointe également l’appropriation des médias par "une poignée d’hommes d’affaires ayant des intérêts extérieurs au champ des médias". Ces derniers "finissent par posséder la grande majorité des médias privés à vocation nationale", qui selon l'ONG constitue la principale raison du recul relatif de la liberté de la Presse.

Le paysage médiatique est largement constitué de groupes dont les propriétaires ont d’autres intérêts, qui souvent pèsent beaucoup plus, que leur attachement au journalisme. Une situation qui entraîne des conflits d’intérêts, qui à leur tour menace la liberté de l’information. La situation économique des médias est également ciblée.

Il est malheureusement notable que de très nombreux dirigeants dans le monde développent une forme de paranoïa contre l’exercice légitime du journalisme. Ce 3 mai, laissez-nous tous renouveler notre engagement pour aller vers un monde où la libre circulation de l’information et des idées reste une puissante locomotive de progrès, et où la liberté des médias constitue une des bases des sociétés saines et démocratiques.

Guy Bedos déclarait : « Je croirais vraiment à la liberté de la presse quand un journaliste pourra écrire ce qu'il pense vraiment de son journal. Dans son journal. »

À l’année prochaine et sachez que la liberté de la presse ne s'use que quand on ne s'en sert pas.

AK

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