Le blocage de Petrofac continue depuis janvier: Echec sur toute la ligne

Le blocage de Petrofac continue depuis janvier: Echec sur toute la ligne
 
 
Petrofac, ça vous dit quelque chose. Peut-être on a oublié. Pourtant l’histoire du blocage de cette société était à la une de tous les médias il n’y a pas longtemps. Pour rafraîchir les mémoires amnésiques,  c’est la société qui opère dans le domaine de la prospection et de l'exploitation énergétique à Kerkennah dont l’histoire de son blocage  a enflammé l’archipel  et le pays dans son ensemble deux mois à peine quand les forces de l’ordre décident début avril dernier de déloger les personnes qui bloquaient le site depuis mi janvier.
 
Mal préparée, très mal conduite, l’action musclée  se révèle  un échec. Non seulement le blocage reprend mais les forces de sécurité sont évacuées des iles qui sont devenus depuis une zone de non-droit puisque l’armée ne fait que garder les établissements publics et privés  sans faire le travail de la police.
 
Pendant les cinq jours que le déblocage a duré, les envahisseurs de la société de l’environnement qui réclament d’être recruté dans des entreprises publics ont certes quittés le site de production de Petrofac qu’ils ont pris en otage depuis la mi-janvier.
 
Cela a permis à la société de reprendre son activité durant quelques jours seulement puisque les quantités produites n’ont pas pu être évacués vers la centrale de la STEG à Sfax. Les bacs ayant été remplis ainsi que les camions citernes présents sur le site, la société ne pouvait plus produire tant que les quantités produites n’ont pas été évacuées.
 
Désormais le condensat, un gaz hautement inflammable emplit toutes les cuves. La moindre étincelle risque d’embraser l’archipel. Mais ce n’est pas tout. Au chômage technique depuis le 19 janvier (si on exclut les 5 jours de reprise de travail en  avril), les 180 agents de Petrofac risquent de perdre leur emploi au bout de six mois, soit le 18 juillet prochain. A eux s’ajoutent les 2000 kerkenniens qui gagnent leur vie grâce au site. C'est-à-dire la moitié de la population active des Iles pendant la saison d’hiver. Tuer la poule aux œufs d’or, c’est perdre les 4 millions de dinars que la société alloue aux  activités de responsabilité sociétale des entreprises (RSE).
 
C’est également perdre la Fonds de deux millions de dinars  qu’elle met  à la disposition de tous les entrepreneurs de la région qui présentent  un projet viable. Soit des jeunes diplômés qui cherchent à lancer des projets. Encore une perte sèche pour la population de l’archipel.  
 
Paradoxalement c’est la générosité de la société  qui va la perdre. Pendant cinq ans, c’est elle qui a financé ce fonds relevant du gouvernorat de Sfax destiné à payer ces employés de la société de l’environnement dans le cadre d’un projet visant à aider les jeunes chômeurs en recherche de travail. Cela lui coûte 1 million de dinars par an.
 
Mais voyant que l’objectif  fixé est loin d’être atteint. Début  2015, elle décide d’arrêter la saignée.  Les 266 personnes concernées décident d’un sit-in bloquant le site. Pour le lever, le ministre des affaires sociales de l’époque a décidé la création officielle au maximum début 2016 de la Société de l’environnement de Kerkennah, qui sera financée par l’Entreprise tunisienne d'activités pétrolières (ETAP) et de Petrofac par via un fonds doté de 1 million de dinars.
 
Les autorités ont également obligé entretemps  la société à continuer de verser les allocations jusqu’à fin décembre 2015.Or la société n’a pas été créée et les chômeurs se sont  rabattus sur Petrofac, qui se trouve prise en otage dans une affaire qui ne la concerne plus.
 
Les pertes occasionnées par le blocage de la société ne concernent pas seulement Petrofac puisque 55% de ses recettes reviennent à l’Etat tunisien associé. Chaque jour d’arrêt cause des pertes de l’ordre de 200.000 dollars (plus de 400 mille dinars) dont quelques 75% auraient dû revenir à l’Etat (55% des parts + les taxes dues sur les ventes). Par ailleurs,  Petrofac produit 12,5% des besoins du pays en gaz, soit environ 1 million de m3 de gaz par jour. Son unique client est la STEG qui rachète ses produits 22% moins cher que le prix du marché. Depuis l’arrêt de la production de la société  nationale d’électricité et de gaz  est contrainte de se ravitailler  à travers le gazoduc algérien au prix mondial et en devises s’il vous plait !
 
Que faire ? Recevant Aymen Asfari, le directeur général du partenaire britannique, le chef du gouvernement Habib Essid s’est engagé qu’une solution  sera trouvée dans quelques jours. Plus d’un mois plus tard, rien n’a été fait. Le chef du gouvernement a accusé le Front populaire et le Hizb Ettahrir d’avoir fomenté les troubles et là rien n’a été fait non plus. Depuis février,  la société étrangère étudie  l’éventualité de quitter la Tunisie.  Elle  a renoncé aux investissements de l’ordre de 40 millions de dinars qu’elle comptait faire en 2016, à travers le forage de deux nouveaux puits à Kerkennah.  Si ces investissements ne sont pas réalisés, la production baissera progressivement jusqu’à l’épuisement des deux gisements, ce qui l’obligera de toute façon à quitter le pays.
 
Dans un cas comme dans l’autre c’est une perte sèche pour le pays et pour les iles Kerkennah qui seront privés d’une des rares sociétés présentes sur place.
 
Un groupe de personnalités originaires de l’archipel ont bien tenté une médiation mais elle a échoué car les protestataires n’avaient pas confiance en eux. N’est-il pas que le chef du gouvernement appelle une personnalité nationale dont le crédit n’est pas entamé et dont l’indépendance et la neutralité sont reconnues, mais qui ne soit pas originaire de Kerkennah pour lui confier l’arbitrage dans ce dossier épineux. Je pense à Mansour Moalla par exemple. Ce qu’il apportera comme solution après un dialogue approfondi avec toutes les parties prenantes sera mis en exécution. L’immobilisme et l’inertie actuels ne sont plus acceptables. Il faut se bouger, dialoguer et avancer.
 
Raouf Ben Rejeb

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