Le niveau des avoirs nets en devises a atteint son plus bas niveau depuis 30 ans

Le niveau des avoirs nets en devises a atteint son plus bas niveau depuis 30 ans

Le niveau des avoirs nets en devises de la Tunisie a atteint, le 14 août, 11,538 milliards de dinars ou 90 jours d’importation, contre 120 jours d’importations à la même date en 2016, soit le niveau le plus jamais atteint depuis une trentaine d’années. Cette chute pourrait, selon Fatma Marrakchi Charfi, professeure universitaire en économie, avoir de lourdes conséquences sur la notation de la Tunisie, sur ses chances d’emprunter sur les marchés internationaux, mais également sur sa capacité à payer les importations et à défendre la parité du dinar contre les devises étrangères.

 Dans une déclaration à l’agence TAP, elle a expliqué que « le nombre de jours d’importation est un indicateur qui évalue le niveau des réserves de change et est très utilisé, car facilement comparable entre pays et dont le suivi chronologique est aisé pour un pays. En Tunisie, les autorités, les bailleurs de fonds et même les agences de notation le suivent de très près et au quotidien parce qu’il reflète d’abord la capacité du pays à pouvoir payer ses importations, à honorer ses engagements, à défendre la parité du dinar et parer aux chocs exogènes négatifs éventuels ».
«En effet, nous avons besoin de devises pour importer des biens pour la consommation finale (médicaments, voitures, etc,) ainsi que pour la consommation intermédiaire, c’est-à-dire des biens qui serviront d’input pour fabriquer des biens finaux locaux. Nous avons aussi besoin de devises pour payer le service de la dette (intérêts et principal sur l’année). Par ailleurs, la Banque centrale peut utiliser une partie de ces devises pour défendre la parité du dinar et freiner sa dépréciation. En outre, les devises peuvent aussi être utilisées pour affronter des chocs exogènes tels qu’une augmentation du prix international du pétrole ou une augmentation du prix international du blé», a-t-elle encore mentionné.

La  perte en réserves de devises étrangères est le résultat normal du gap qui existe entre les activités qui peuvent générer des recettes en devises pour le pays tels que les exportations de phosphate, de l’huile d’olive, les rentrées en devises provenant de la diaspora à l’étranger ou des TRE, les investissements directs étrangers, etc, et la sortie de devises nécessaires pour les importations. Tant que la demande de devises pour payer les services de la dette et les importations n’est pas compensée par des entrées en devises sous une forme quelconque (exportations, recettes touristiques, endettement, etc...), les réserves de change ne peuvent que diminuer ».
Tous ces constats amènent l’universitaire à déduire que «le suivi de l’évolution de cet indicateur très important dans le futur est primordial, car sa diminution peut nous amener à rationaliser nos importations en biens non nécessaires mais qui peuvent aussi toucher nos importations en biens nécessaires (médicaments, pièces de rechange, pétrole, etc.). 
Leur diminution peut aussi abaisser la note de la Tunisie chez les agences de notation et, dans ce cas, il nous sera très difficile de sortir pour emprunter sur les marchés internationaux. Même s’il nous est possible de sortir sur les marchés internationaux, le taux d’intérêt sera très élevé, étant donné l’élévation de la prime de risque, puisque la capacité de remboursement sera réduite. Or, visiblement l’Etat aura besoin de plus de ressources d’emprunt rien que pour combler le budget 2017, et aura donc, probablement, besoin d’aller lever des fonds sur le marché international, sans parler de l’exercice 2018 ». Charfi estime également que « la réduction de la capacité à payer les importations réduira la capacité de la BCT à utiliser les devises pour défendre la parité du dinar contre les devises étrangères. Si cela est le cas, le dinar aura tendance à se déprécier de plus en plus et si on n’arrive pas à redresser la barre et donc à avoir des rentrées conséquentes en devises, l’économie tunisienne subira de plein fouet les conséquences négatives de la dépréciation du dinar sur l’inflation, sur le déficit budgétaire (notamment par la caisse générale de compensation), sur l’alourdissement de l’endettement ». 
«En bref, l’idéal serait de relever le niveau des exportations tunisiennes, notamment celles des phosphates, ou nous avons perdu des parts de marchés. Si on n’arrive pas à impulser assez rapidement les exportations, il faudrait songer d’une manière sérieuse à réduire les importations, que ce soit par l’interdiction de certains biens non essentiels, avec des mesures d’accompagnement, pour protéger l’économie de la contrebande, ou en relevant les droits de douane pour d’autres. La BCT peut aussi réduire les crédits octroyés aux consommateurs, si ces crédits sont destinés à l’achat de produits importés de consommation finale », a-t-elle conclu.

Avec TAP

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