Le peuple veut : Un seul président, mais surtout une seule Tunisie

Le peuple veut : Un seul président, mais surtout une seule Tunisie

 

Kaïs Saïed ne cesse de proclamer sur tous les toits et surtout auprès de qui de droit qui lui disputent sa préséance que la Tunisie ne compte qu’un seul président. Mais peut-il être ce seul président qu’il veut être, alors que la Tunisie dont il occupe la magistrature suprême risque d’être morcelée en petits états antagoniques qui veulent chacun jouir de leurs ressources naturelles en en privant au besoin non point les autres mais leurs propres ressortissants.

Comment ne pas voir dans son silence assourdissant alors qu’il lui revient en tant que « symbole de l’unité de la nation » de défendre le pays contre toutes les velléités de morcellement, une complaisance pour ne pas dire une complicité envers les diviseurs du pays, les fossoyeurs de son Etat.

Car si pour lui le président est un et unique, il n’en est pas de même pour le pays qui dans sa conception de la pyramide inversée doit être gouvernée de bas en haut à partir des localités en arrivant au niveau central.

Kaïs Saïed n’a jamais caché que son projet politique est celui-là. Dans son esprit, les délégations au bas de l’échelle doivent élire des représentants qui décident des projets qui doivent et peuvent y être réalisés. Ainsi le slogan « le peuple veut » prend toute sa signification. Le seul bémol qu’il met c’est que la délégation de pouvoirs ainsi accordée à ces représentants est révocable sans qu’il ne dise de quelle manière et dans quelles conditions. Mais c’est peut-être un détail, à moins que l’on en doit être en mode élections permanentes.

Le modèle de l’accord d’el-Kamour par lequel l’Etat met à la disposition du gouvernorat de Tataouine les moyens de son propre développement doit le conforter dans sa quête de la manière dont le peuple prend en mains sa destinée.

Du reste le gouvernement verse de l’eau dans le moulin de Kaïs Saïed en acceptant toutes les doléances de la « coordination d’El Kamour » en en faisant d’ailleurs le modèle à suivre dans les autres gouvernorats du pays.

La chose aurait été du meilleur effet s’il s’agissait d’un accord dont les termes n’avaient pas été acceptés sous la menace puisque l’ouverture de la vanne de pompage du pétrole était la contrepartie de cet accord.

Du reste les autres régions ne se sont pas fait prier pour revendiquer elles aussi leur droit au développement en bloquant « les vannes » dont elles disposent qui l’usine de remplissage des bouteilles de gaz domestique, qui l’entrée du gisement de pétrole de Guébiba à Sfax et même la vanne du champ de Douleb de Kasserine.

Des gouvernorats entiers ont même décidé des mouvements de grève régionale. Ainsi ce mercredi 25 novembre la région de Béja est complètement paralysée par une grève régionale la première depuis l’indépendance du pays il y a plus de soixante ans. Ce sera aussi le cas dans les tout prochains jours dans le gouvernorat de Kairouan, qui occupe un des premiers rangs dans l’indice de pauvreté.

Ce n’est d’ailleurs que le début, car l’effet boule de neige ne fait que commencer et toutes les régions du pays ainsi que toutes les corporations vont se réveiller pour réclamer elles aussi leur part du gâteau si tant est que gâteau il y a.

Il faut dire que cette escalade des protestations des régions pour obtenir leur droit au développement, ce qui est une revendication tout à fait légitime, a été nourrie par des déclarations malencontreuses.

Ainsi le chef du gouvernement Hichem Mechichi a prétendu contre toute logique que les sociétés de l’environnement et du jardinage offrent « un vrai boulot », alors qu’il s’agit de sociétés créatrices d’emplois fictifs comme tout le monde le sait.

Le président d’Ennahdha, Rached Ghannouchi a dit de son côté que « la charité n’est valide que si les ayant-droits ont eu leurs parts » ce qui traduit en bon tunisien veut dire que les régions doivent bénéficier en premier de leurs ressources naturelles.

Versant encore de l’huile sur le feu ce dernier a dit aussi que la Tunisie est un pays riche quand son peuple pauvre. Comment a-t-il pu arriver à cette conclusion quand le produit national tunisien, c’est-à-dire l’ensemble de la richesse nationales est d’à peine 40 milliards de dollars.

Le président Kaïs Saïed n’a pas été en reste lorsqu’il a dit dans son discours d’investiture qu’il suffit d’un jour de travail de plus pour que « les caisses de l’état soient à ras-bord».

Par de telles déclarations dont l’irresponsabilité le dispute à l’inconscience, nous pouvons perdre si nous n’y prenons garde le bien le plus précieux qui nous rassemble, une patrie que nos aïeux nous ont légué et que nous avons le devoir de préserver, de défendre quoiqu’il nous en coûte et surtout s’il nous en coûte.

Le président de la République qui s’est emmuré dans un silence assourdissant comme l’écrit si bien mon confrère Brahim Oueslati a l’obligation de sortir de sa réserve. Symbole de l’unité de la nation, il a l’obligation d’en être le rassembleur, l’infatigable fédérateur. Sinon il deviendrait complice de son morcellement, ce que les générations successives ne lui pardonneraient pas.

Si le peuple veut quelque chose, ce n’est certainement pas un pays morcelé, divisé partagé entre intérêts régionalistes et corporatistes. S’il veut un seul président à la tête du pays, c’est qu’il veut aussi un pays un et uni. Il veut aussi un Etat fort, unique, souverain et respecté.

Gare au « démon numide » dénoncé par Ibn Khaldoun. Ce démon est en train de refaire son apparition dans une forme qui ne peut mener qu’à la discorde, aux querelles intestines et aux égoïsmes de tous genres.

RBR

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