Quand la moquerie devient crime : un glissement inquiétant au Parlement

Lors du débat sur le budget du ministère de la Justice, le député Fathi Rajeb a appelé à « appliquer la loi à toute personne se moquant du Chef de l’État », allant jusqu’à rappeler que, dans certains pays, « la moquerie du président est punie de la prison à vie ou de la peine de mort ». Une comparaison qui renvoie directement aux régimes totalitaires comme la Corée du Nord, l’Érythrée ou le Turkménistan, où la satire politique est assimilée à un crime d’État.
La loi tunisienne distingue pourtant clairement la moquerie, qui relève de la liberté d’expression, de la calomnie et de l’offense, seules infractions réellement sanctionnées par le Code pénal et le controversé décret-loi 54.
Une vision incompatible avec l’État de droit
En affirmant que la moquerie envers le Président pourrait justifier des sanctions comparables à celles de régimes totalitaires, le député Fathi Rajeb brouille les frontières entre humour, critique politique et infraction pénale.
Une démocratie s’accommode du sarcasme, de la caricature et même de l’irrespect, tant qu’il ne s’agit pas de diffamation ou d’incitation à la violence.
Assimiler la plaisanterie à un crime d’État constitue un glissement dangereux vers une conception autoritaire du pouvoir, où toute critique serait perçue comme une menace.
En Tunisie, la loi sanctionne la calomnie et l’offense, pas la moquerie. La Constitution, elle, garantit la liberté d’expression comme l’un des derniers acquis démocratiques. Toute confusion entre ces notions ouvre la voie à la criminalisation du débat public, en rupture totale avec l’État de droit.
B.O
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