Rached Ghannouchi mis au pilori à la suite de sa rencontre avec  Erdogan

 Rached Ghannouchi mis au pilori à la suite de sa rencontre avec  Erdogan

Tous les députés, à l'exception de ceux du mouvement Ennahdha, ont protesté lors de la séance de la soirée de la plénière du Parlement, contre la récente visite de Rached Ghannouchi en Turquie.

La plupart des intervenants ont exigé, lors des débats sur cette visite effectuée samedi dernier, que Rached Ghannouchi renonce à l'une de ses deux qualités, en tant que chef du mouvement Ennahdha ou chef du Parlement.

Pour sa part, la députée Abir Moussi a annoncé qu'elle avait déposé une pétition demandant le retrait de confiance au président du Parlement.

"Ce n'est pas votre droit, après avoir eu connaissance de secrets d'Etat et de ses rouages de divulguer ses secrets à des entités étrangères", a déclaré Moussa, à l'adresse du speaker du parlement.

Elle a également appelé à l’organisation d’une session plénière extraordinaire pour auditionner les ministres de l’intérieur et des affaires étrangères sur cette visite et pour clarifier la position du parlement sur la question libyenne.

 Quant au député Monji Rahoui, il a appelé le Conseil de sécurité nationale à demander des comptes à Rached Ghannouchi sur cette visite.

De leur côté, les députés d'Ennahda ont souligné le droit du leader du Mouvement de se rendre dans le pays qu'il souhaite, notant les relations qui lient la Tunisie à la Turquie.

Le député du Mouvement Samir Dilou a estimé à ce propos que cette question aurait dû être traitée au sein des structures du mouvement Ennahda et non au Parlement car il s'agit d'une affaire partisane, étant donné que Rached Ghannouchi s'est rendu en Turquie en sa qualité de représentant du parti et non en tant que président du Parlement.

Dans sa réponse aux députés, le Président du Parlement a affirmé qu'il était habitué à la "diplomatie populaire" dans l'intérêt du pays, et non l'inverse.

"Il n'y a pas de règle juridique qui détermine ce qui est autorisé pour le président du parlement et ce qui ne l'est pas, au même titre que pour le chef du gouvernement", a-t-il fait valoir.

Il a souligné que la simultanéité de la visite, un jour après la chute du gouvernement Jemli, n'a rien à voir avec la causalité, citant le dicton philosophique selon lequel "la synchronisation ne signifie pas la causalité".

Concernant les relations de la Tunisie avec la Turquie, il a considéré qu'il s'agissait de relations séculaires, rappelant que l'Ottoman Sinan Pacha a libéré la Tunisie du colonialisme espagnol, et notant que ces relations sont anciennes et développées après la révolution. Il a affirmé que la Turquie est l'amie et l'allié de la Tunisie après la révolution.

Il a indiqué avoir informé le président de la République Kais Saied de cette visite et que le président de l'Etat l'avait chargé de transmettre ses salutation au président Recep Tayyip Erdogan, estimant que "le dénigrement gâche le débat".

Ghannouchi a démenti avori eu un entretien en tête à tête avec le président turc, notant que la visite n'avait rien à voir avec le fait que la Tunisie n'était pas invitée à la Conférence de Berlin sur la Libye.

A son tour, le député Khaled Krichi (Bloc démocratique) a souligné que cette visite constituait une "atteinte" à la souveraineté nationale, appelant le président du Parlement à s'excuser et à assumer le rôle d'homme d'Etat au lieu de confondre ses qualités de chef du parti Ennahdha et de président du Parlement en même temps.

Quant au député Hatem Mliki (le Bloc Qalb Tounes), il a souligné la nécessité d'approfondir le débat sur le lien des partis avec la diplomatie et d'ouvrir une enquête sur les soupçons de financement des partis de l'étranger.

Il a suggéré de réviser le règlement interne du Parlement et le décret régissant les partis, appelant à la formation d'une commission parlementaire pour examiner le dossier libyen afin de coordonner avec les structures officielles pour déterminer une position officielle du parlement qui correspond à la position officielle tunisienne.

Quant à Mustafa ben Ahmed (parti Tahya Tounes), il a affirmé que toute réunion ou position émise par Rached Ghannouchi est contraignante pour le parlement parce que Rached Ghannouchi représente une institution souveraine.

Il a estimé que sa récente visite "est de nature à perturber la diplomatie tunisienne", d'autant plus qu'elle "vit dans des crises et des faiblesses" pour n'avoir pas été invitée à assister à la conférence de Berlin sur la Libye.

Il a accusé la Turquie d'être un pays qui "œuvre à déstabiliser la région", donnant comme exemple son ingérence en Syrie et critiquant le "traitement arrogant" par Erdogan à la Tunisie, en accueillant Ghannouchi ou lors de sa récente visite inopinée en Tunisie.

De son côté, le député Mohamed Goumani (Bloc du mouvement Ennahdha) a affirmé que le président du parlement a de multiples qualités, et il a effectué cette visite en sa qualité de président de parti, mettant en garde contre le fait de "faire de l'histoire un parallèle" avec la réalité actuelle et précisant que le mouvement Ennahdha rejette l'intervention militaire en Libye et soutient le cessez-le-feu.

Quant au député Noureddine Arbaoui (Mouvement Ennahdha), il a estimé que Rached Ghannouchi est une "figure nationale qui a exercé la politique pendant un demi-siècle et a le droit d'agir à tout moment", soulignant que le mouvement Ennahdha appuie une solution pacifique au problème libyen.

Les élus de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) ont voté, à la majorité, la modification de l'ordre du jour de la séance plénière de ce mercredi. Ils ont convenu d’ajouter un point relatif à l’audition de Rached Ghannouchi sur sa dernière visite en Turquie.

Un total de 122 députés ont voté pour l’inscription de ce point à l’ordre du jour de la plénière, contre 20 refus et 8 abstentions.

 

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