Réconciliation nationale: Est-ce une panacée aux maux de la Tunisie ?

 Réconciliation nationale: Est-ce une panacée aux maux de la Tunisie ?
Par Farouk Ben Ammar
 
Le projet de la réconciliation nationale, initié par le président de la république, pourrait être salutaire pour le pays…sous conditions ! Par cette loi, le président espère fédérer les rétifs, colmater les dissidences, renflouer les caisses de l’État, et drainer les tunisiens vers un possible renouveau dont il se veut l’incarnation…C’est son devoir, sa destinée.
 
Seulement l’application de cette loi, une fois votée, doit être limitée dans le temps, et en aucun cas ne doit donner un brevet d’honorabilité à des malfaiteurs.
 
LE TERRORISME INSTRUMENTALISÉ
 
Il est de plus en plus évident que le terrorisme qui a sévi si fort dans nos contrées, n’est qu’un terrorisme instrumentalisé et commandité par une poignée d’affairistes peu scrupuleux et qui utilisent ce puissant levier contre l’État et le peuple pour échapper à toute condamnation via une loi qui se veut conciliatoire.
 
La loi de Réconciliation, dont la dimension est essentiellement économique, concerne en premier lieu un groupe d’hommes d’affaires et autres négociants et spéculateurs, qui se sont enrichis par des moyens illicites et illégaux grâce aux caciques de l’ancien régime et sous la protection et la bonne grâce de personnes proches du pouvoir et dont la vertu n’est point une qualité cardinale.
 
Cette loi, qui sera proposée pour vote par l’assemblée nationale, passera certainement, étant donné que cette institution que l’on veut républicaine, représentative du peuple et dépositaire de sa souveraineté, est dominée par les « enfants » des anciens au pouvoir déchu et ses centaines de courtisans qui avaient la réalité du pouvoir…
 
En effet, une bonne partie des députés ont acheté leurs sièges par l’argent sale d’affairistes qui les soutiennent et à qui ils renverraient l’ascenseur en les protégeant de toute velléité de les juger, les condamner et de leur demander de rendre compte au peuple et au pays qu’ils ont dévalisé et laissé exsangue.
 
Ces affairistes continuent de blanchir l’argent sale qu’ils ont acquis frauduleusement, ils investissent surtout dans le secteur immobilier, seul secteur en plein essor, et aussi dans le secteur informel, pour échapper ainsi des mailles des filets des services fiscaux et aux questions embarrassantes sur l’origine de leurs fortunes qui se chiffrent à des milliards de TND.
 
Aussi, une telle loi qui garantirait leur impunité, est le prix à payer pour résorber le terrorisme et donner une trêve au pays qui a été fortement touché par les dernier actes de barbarie, commis par des inconnus, revendiqués faussement par des organisations terroristes tristement notoires, histoire de faire brouiller les pistes…nos services de sécurité nationale l’ont finalement bien compris !
 
Fort de sa longue expérience, le président élu l’a aussi bien compris, il doit faire face à un dilemme : soit absoudre ces affairistes par une loi de réconciliation, soit se préparer à d’autres vagues d’actes meurtriers qui ont fragilisé le pays.
 
Un pays avec une économie ripée, une cohésion nationale ébranlée et des dirigeants en mal de crédit.
 
Pour l’heure ces affairistes se lovent pour garder un profil bas et ne pas se faire voir…la loi de la réconciliation est leur seule planche de salut pour se faire une virginité civile et une sortie honorable à moindres frais…sinon les actes de violence pourraient reprendre de plus belle.
 
UNE LOI LARGEMENT DÉSAVOUÉ PAR LA SOCIÉTÉ CIVILE
 
Le peuple a déjà pris position contre cette loi en organisant diverses manifestations et en battant le pavé dans tout le territoire…ses représentants et élus doivent en prendre compte !
 
Une pléiade d’associations a manifesté son inquiétude si une telle loi vient à être ratifiée.
 
Des associations de Tunisiens à l’étranger se sont mobilisées contre le projet de loi de réconciliation avec les hommes d’affaires et ont appelé à un rassemblement devant l’ambassade de Tunisie à Paris.
 
Même des ONG étrangères s’en sont mêlées. Une rencontre sur la réconciliation nationale a eu lieu, le 5 septembre à Tunis, à l’initiative d’une fondation internationale, de quoi soulever des questions légitimes quant à l’intérêt des puissances étrangères pour l’adoption d’une telle loi…des puissances étrangères vraisemblablement mouillées dans des affaires de corruption institutionnelle.
 
Face à cette farouche opposition, le quartet actuellement au gouvernement a envahit les médias pour soutenir contre vents et marées ledit projet de loi, car il en est de sa survie politique. Un gouvernement de seconds couteaux !
 
CAS DE L’ALGÉRIE : CES AMNISTIÉS QUI REVIENNENT À LA CHARGE
 
La réconciliation nationale en Algérie lancée suite à la vague de terrorisme des années 1990 qui a laissé 200 000 victimes, n’a fait que renforcer les terroristes…ils reviennent aujourd’hui de plus belle et ont réintégré des réseaux de Djihadistes, ravivé des cellules dormantes et crée de nouvelles !
 
Cette réconciliation a duré onze (11) ans (1994-2005)…un répit de court terme pour ce pays frère martyrisé…un répit aussi aux terroristes pour revenir plus forts et plus déterminés.
 
Rien que cette semaine, un réseau de six (6) terroristes « Repentis » de l’AIS a été démantelé par la gendarmerie algérienne relevant de la section de recherches du groupement de Jijel…Repentis vous dites !
 
Transposez cette expérience en Tunisie…je laisse au lecteur averti de tirer les conclusions idoines.
 
COUPER LE FINANCEMENT DU TERRORISME AVANT TOUTE RÉCONCILIATION
 
En Algérie le terrorisme est financé principalement de l’étranger, alors qu’en Tunisie le financement provient essentiellement de l’intérieur du pays.
 
Le contrôle des flux financiers illicites et l’éradication de l’évasion fiscale sont d’une importance vitale pour limiter la force de frappe du monstre terroriste.
 
Car privé de nourriture, le monstre, se mettrait à dépérir, rétrécir, pour enfin disparaître.
 
Une loi de réconciliation ne peut être votée avant d’avoir les effets escomptés de la loi anti-terrorisme et anti-blanchiment d’argent.
 
Le problème est le financement du terrorisme. Comment arrêter le terrorisme si on amnistie ses sponsors ?
 
On espère, dit-on, relancer l’économie par un tel projet, ce qui est fort improbable, puisque ces malfrats ont soit blanchi leurs pécules via des investissements douteux soit fait sortir l’essentiel de leurs fortunes du pays vers des pays étrangers.
 
Ce n’est pas l’amnistie qui les exhorterait à ramener les fonds détournées au pays…car un climat de grande méfiance règne.
 
Aussi, il est inacceptable que l’État tende sa sébile à des malfrats en proposant en retour une loi humiliante pour le peuple.
 
ÉPILOGUE
 
Le projet de loi est dit être concis, juste et cohérent, mais de fait, aucun de ces épithètes ne peut s’appliquer aux résultats des travaux sur le texte.
 
L’adjectif humiliant reste le plus approprié pour le qualifier.
 
Les ambitions déclarées de la réconciliation sont d’un angélisme confondant, le seul résultat serait un éventuel arrêt des actes de terrorisme, une trêve momentanée l’exemple algérien est plus que probant.
 
Car le terrorisme manipulé est et demeurera une épée de Damoclès sur la tête des tunisiens et du gouvernement en place. Un puissant et redoutable outil de pression.
 
Il est primordial de destituer l’architecture d’impunité dans laquelle évoluent les squatteurs politiques et les affairistes malfamés !
 
En fin de compte, pourquoi ne pas faire passer une telle loi par la voie Référendaire….
 
Pour l’heure, impuissant, incapable de régler les problèmes de l’heure et de dégager des perspectives, le gouvernement en place se tourne vers le chantre du jusqu’au-boutisme…il n’en a pas le choix…mais à quel prix, en sacrifiant la dignité du Tunisien sur l’autel de la peur et de la misère !
 
Aujourd’hui, tous les tunisiens, peuple et gouvernement, doivent œuvrer pour l’intérêt du pays avec abnégation, un pays dont l’image a été ternie par les affres du terrorisme, cette bête immonde qu’il faut occire sans pitié aucune.
Farouk Ben Ammar