Tunisie: La culture de la mort chez les jeunes

 Tunisie: La culture de la mort chez les jeunes
 
Par Farouk Ben Ammar
 
Une amie, journaliste de son état, m’avait posé des questions sur un sujet encore tabou : « LA CULTURE DE LA MORT », je me suis alors résolu à rédiger cet essai sur le sujet qui fait des ravages parmi les jeunes et alimente le terrorisme.
 
Depuis l’apparition de l’État Islamique suite aux troubles qui ont frappé plusieurs pays arabes, et l’avènement du fameux printemps arabe, un dangereux phénomène prend de l’ampleur de jour en jour : « LA CULTURE DE LA MORT ».
 
Ce phénomène prend plusieurs formes, le premier qui nous vient en mémoire, bien avant DAECH, est celui de l’auto-immolation. Comme celle du vendeur ambulant en décembre 2010, suite à un banal affront avec un agent municipal. Ce triste incident provoqua un soulèvement populaire, plus ou moins encadré, qui mena à la chute du régime du président Z. Ben Ali….on connait la suite.
 
Depuis, des gouvernements provisoires se succédèrent, promettant monts et merveilles : le plein emploi, la prospérité et la dignité pour les jeunes et le citoyen tunisien…Mais il n’en fut presque rien.
 
Ainsi, la jeunesse, se sentant délaissée, oublié et trahie, sombra dans la dépression et le désespoir. Des jeunes qui vivent encore  aux crochets de leurs parents, dépouillés de leur dignité se sentant comme des parasites pour la société :
 
…RIEN N’EST PLUS MORALEMENT DESTRUCTIF QUE DE SE SENTIR SAGOUIN ET INUTILE…
 
LE SUICIDE : UNE MORT « INUTILE » !
 
Quand une jeunesse est laissée-pour-compte avec des promesses envolées, dépourvue de ressources et une dignité perdue, une éventuelle sortie  salutaire est le suicide ! En 2012, on dénombre 24 suicides sur 1 Million d’habitants. Au demeurant, ce taux semble avoir régressé pour passer à 20.5, un chiffre à considérer avec précaution :
 
EN TUNISIE, LES FAMILLES HÉSITENT À DÉCLARER LE SUICIDE D’UN PROCHE POUR DES RAISONS RELIGIEUSES. PUISQU’UN SUICIDÉ N’A PAS DROIT À UN SÉPULCRE CONFORME AU CULTE DE LA FOI ISLAMIQUE.
 
Ironiquement, le taux le plus faible était celui de la Syrie, seulement 4 en 2012, bien que la guerre civile débuta en Mars 2011 ! En Algérie ce taux est de 19, au Maroc 53 et en Libye, en plein chaos, seulement 18 !
 
LE DJIHADISME : UNE MORT « UTILE » ?
 
Vint alors l’idée du Djihadisme, la voie qui mène vers le paradis promis aux défenseurs de la foi et aux martyrs, une cause à laquelle adhérèrent plusieurs jeunes hommes et jeunes filles, pour ainsi mourir « UTILEMENT ».
 
Par ailleurs, il ne vas pas sans dire qu’un certain personnel politique a saisi occasion pour recruter des jeunes désemparés et désargentés pour les inciter à rejoindre le Djihad au nom d’un Islam réinventé selon leurs convenances : De la Chair à Canon.
 
Naturellement, des prédicateurs de tout acabit, se lancèrent dans une campagne pour endoctriner une jeunesse en perdition, cherchant à être « utile » en choisissant la voie du Djihad…une voie qui ne mène qu’à la mort.
 
Ainsi se développa cette culture morbide : «  LA CULTURE DE LA MORT ». Le personnel politique, peu porté sur le scrupule, accorde peu d’intérêt à ce phénomène, soit par calcul soit par ignorance et se bat pour son petit bout de gras.
 
Les familles ne pouvaient pas surveiller continuellement leur progéniture, et en particulier dans les milieux populaires et les gens de peu. Même les classes sociales les plus nanties ne furent pas épargnés. Des familles averties, s’adressèrent aux services de la psychiatrie, de la psychologie voire la neurologie.
 
Pour la petite histoire, un médecin neurologue de la place m’affirma son désarroi en ces mots révélateurs « ...depuis janvier 2011, le nombre de mes patients a triplé, des jeunes en état de dépression, de tous âges et genres, même des écoliers, du jamais vu… » assène-t-il, frustré.
 
QUE FONT LES POUVOIRS PUBLICS POUR RÉSORBER CE FLÉAU ?
 
Le personnel politique est bien plus absorbé par des luttes machiavéliques  pour rester au pouvoir, se souciant des problèmes des jeunes comme d’une guigne.  Entre-temps, la culture de la mort fait son chemin et s’ancre dans la mentalité d’une jeunesse fragilisée, manipulée et désorientée :
 
« …Vaut mieux mourir pour une cause que de glander dans les cafés… » C’est le leitmotiv de plusieurs jeunes…tous les moyens sont bons : Bombes humaines, Attentats terroristes, DAECH…etc.
 
DES SOLUTIONS ?
 
La société civile, avec sa pléthore d’associations, devrait jouer un rôle d’avant-garde, en encadrant les jeunes, et en les intégrant dans la vie associative.
 
…UN JEUNE QUI SE SENT UTILE, NE SE JETTE PAS DANS LES BRAS DE LA MORT, IL VEUT VIVRE…
 
Quant aux établissements scolaires, il est impératif de faire revivre « LES CELLULES D’ÉCOUTE », un projet qui a vu le jour en 2004. Un projet mort-né, hélas rangé dans les tiroirs !
 
Les cas d’élèves perturbés psychologiquement doivent être signalés par les professeurs, les enseignants et les camarades de classe. Ces cellules les prendraient en charge psychologique…plusieurs cas sont très simples à traiter…plusieurs vies peuvent être sauvées.
 
Pour la petite histoire, un jeune élève de 15 ans tenta de se suicider parce que son père l’a battu pour ses mauvaises notes…Un autre à cause du divorce présumé de ses parents…une autre pour son obésité… Quant aux medias, leur rôle est crucial. Il faut cesser de médiatiser outre mesure les cas de suicide et les images de la mort…
 
…IL FAUT ARRÊTER DE BANALISER LA MORT…LA MORT C’EST SÉRIEUX...
 
Et de finir, un plan de communication, adressé à la jeunesse, doit être développé dans le cadre d’une stratégie nationale voire maghrébine.
 
UNE MOBILISATION GÉNÉRALE DE LA SOCIETÉ CIVILE POURRAIT PESER SUR LE NIVEAU DES DÉCISIONS QUE L’EXÉCUTIF S’APPRÊTERAIT À PRENDRE POUR SAUVER NOS GÉNÉRATIONS FUTURES.
 
Mais pour l’heure, le problème reste entier.
 
Farouk Ben Ammar
 
 

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