Retrait de confiance : le sort de Rached Ghannouchi est-il suspendu au bon vouloir de Nabil Karoui?

Retrait de confiance : le sort de Rached Ghannouchi est-il suspendu au bon vouloir de Nabil Karoui?

Longue sera la journée de ce jeudi 30 Juillet 2020 à l’intérieur de l’hémicycle du palais du Bardo, siège de l’Assemblée de représentants du peuple où s’ouvre la plénière consacrée au vote de la motion de retrait de confiance au président Rached Ghannouchi. Une première historique dans la jeune démocratie tunisienne qui a alimenté le débat en milieu parlementaire et au sein des organisations de la société civile, notamment après la décision du bureau de l’ARP qu’elle se fera par un vote secret et sans discussion générale.

Initiée au départ par le groupe parlementaire du Parti destourien libre, cette initiative a été reprise en main par d’autres blocs qui ont réussi à rassembler les signatures nécessaires, 73 en tout sans les députés destouriens, pour la faire passer. Réuni le 24 juillet courant, le bureau de l’ARP avait décidé de faire passer la motion de retrait de confiance au président du parlement en séance plénière le 30 juillet.

Depuis chaque partie s’active pour mobiliser soit en faveur du retrait de confiance ou contre. Selon l’article 51 du règlement intérieur du Parlement, « l’Assemblée des représentants du peuple peut retirer sa confiance de son Président ou l’un de ses vice-présidents à la majorité absolue des membres de l’Assemblée, et ce par une demande écrite et motivée présentée au Bureau de l’Assemblée par au moins un tiers (1/3) des membres », soit 109 voix au moins.

L’issue de la motion dépendra énormément du vote des membres du groupe parlementaire de Qalb Tounès( 27 membres), le seul qui n’a pas fait savoir décision et qui pourra faire basculer le vote d'un côté comme de l'autre.  Le sort de Ghannouchi reste suspendu au bon vouloir de son ennemi d’hier et son allié d’aujourd’hui, Nabil Karoui. Faut-il rappeler que c'est grâce aux voix du groupe de Qalb Tounes que Ghannouchi a été élu à la tête du parlement. 

L’organisation Al Bawsala a estimé que le bureau de l’ARP aurait dû opter pour un vote public et une discussion générale précédant le vote pour ce qui concerne la motion de retrait de confiance à Rached Ghannouchi. Le but étant, selon l’ONG, de consacrer la transparence de l’action parlementaire et pour que chaque partie assume, publiquement et clairement, sa responsabilité politique.

La décision prise lors de la dernière réunion du bureau de l’ARP de procéder à un vote secret et sans débat est une situation « inédite » au sein du parlement, a fait valoir l’ONG qui évoque « une ambiguïté » dans le règlement intérieur de l’ARP sur cette question.

Le parlement n’a pas justifié sa décision. Par conséquent, la compréhension des fondements juridiques de cette décision n’est pas sans difficultés, a-t-elle ajouté.

Par ailleurs, Al Bawsala attire l’attention sur le fait que la composition de la commission chargée de superviser les opérations de vote n’est pas connue jusqu’à maintenant.

La commission a été créée lors de la séance plénière inaugurale du parlement et pour tout le mandat parlementaire, a-t-elle fait remarquer.

De l’avis d’Al Bawsala, cette commission n’est pas autorisée à superviser l’opération de vote sur le retrait de confiance au président du parlement. L’ONG cite, pour ce faire, l’article 93 du règlement intérieur de l’ARP. Ledit article concerne les compétences des commissions parlementaires spéciales. Il attribue à la commission de supervision des opérations de vote et décompte des voix, la charge « d’effectuer le décompte des voix lors de toutes les opérations d’élection sur les personnes effectuées par l’Assemblée ainsi que la supervision des opérations de vote à main levée ».

Pour sa part, le Collectif citoyen Soumoud (résistance) a appelé « les députés patriotiques à voter en faveur de la motion de retrait de confiance à Ghannouchi et à choisir, pour la présidence du parlement, une personnalité compétente qui rassemble, tout en plaçant l’intérêt suprême de la nation au-dessus des intérêts étriqués ». Une personnalité capable de restaurer la confiance entre citoyens et parlementaires, résume le collectif.

L’actuel mandat parlementaire est marqué par des alliances hybrides ayant conduit à l’élection du président du mouvement Ennahdha, Rached Ghannouchi à la tête de l’institution législative, rappelle le collectif. « Ce dernier s’est attelé, depuis, à mettre la main sur le parlement, à le faire dévier de son rôle tout en accumulant les erreurs », a déploré le collectif.

Sur la scène parlementaire, le groupe démocratique, de la Réforme et Tahya Tounes ont dénoncé les pressions exercées sur certains députés pour influencer le vote de la motion de retrait de confiance.

Ces groupes parlementaires, initiateurs de la motion, ont mis en garde contre les tentatives de faire échouer la plénière, tenant la présidence du parlement responsable du bon déroulement de la séance et du respect des dispositions du règlement intérieur de l’ARP.

Dans ce contexte, ces blocs parlementaires ont appelé les députés à faire preuve d’un comportement éthique et à faire prévaloir l’intérêt national en cette conjoncture délicate. Ils ont expliqué que la motion a été présentée en réaction aux nombreuses erreurs commises par Rached Ghannouchi ce qui a entravé à plusieurs reprises les travaux du parlement.

Ils ont insisté, dans ce sens, que la demande de retrait de confiance au président de l’ARP n’est pas motivée par des raisons idéologiques et ne vise aucune partie politique.

Le groupe al-Watania (11 députés) a affirmé, lui aussi, son soutien à la motion de retrait de confiance à Rached Ghannouchi. Il a rappelé, à cet égard, sa position désapprouvant « la mauvaise gestion des affaires du parlement, son faible rendement et l’absence de gouvernance; de manière contribuant à nuire à son image ». Pour lui, le bureau de l’ARP doit se conformer au règlement intérieur pour ce qui concerne le déroulement de la séance et respecter les procédures en vigueur pour le vote d’une motion.

Le bloc de la coalition al-Karama a annoncé, quant à lui, qu’il boycottera la séance plénière en question.

Le bloc qualifie la motion de « purement politique » et d »‘injustifiable », considérant qu’elle n’est autre qu’une tentative de « continuer une bataille engagée par le régime du président déchu Ben Ali avec une partie des Tunisiens représentant le groupe parlementaire le plus important ».

Avec TAP

 

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