Caïd Essebsi, visite d’un président susceptible

  Caïd Essebsi, visite d’un président susceptible

Le journal français LE Monde vient de publier dans sa rubrique Le Monde selon Ravanello un long article consacré à la visite du Président Béji Caïd Essebsi en France :  https://fr.news.yahoo.com/blogs/ravanello/tunisie-caid-essebsi-visite-d-...

Voici l’article signé par Olivier Ravanello : 

« La France a reçu en visite d’État le président tunisien. Jeune élu de 88 ans qui semble encore coincé à l’époque Bourguiba et qui adore mettre le bazar quand il peut. Pas facile…

À l’Élysée, on a sorti le grand jeu. Une "visite d'État", le niveau protocolaire le plus élevé. Celui où on descend les marches pour accueillir son visiteur, qu'aurait parodié Coluche, et c’est vrai. Le protocole, c’est la manière de dire l’estime que l’on a des autres quand on est président. Et en l’occurrence, la France aime beaucoup la Tunisie.

Les avions de chasse français sont donc allés à la rencontre de l'avion présidentiel tunisien pour l'escorter jusqu’à Paris. Au programme, accueil aux Invalides par François Hollande (mieux que descendre les marches, il a carrément traversé la Seine), réunion de travail, discours au Sénat, dîner d'État au palais avec robe longue et smoking. La totale.

Ce n'est rien de dire que l'Élysée a arrondi les angles avec un président tunisien qui a tendance à se prendre pour un nouveau Bourguiba. La contradiction l’agace, il ne voit pas où est le mal à ce que son fils prenne la direction du parti Nidaa Tounes, il fait venir le monde entier pour une marche au Bardo mais engueule les journalistes accrédités comme à une sortie de match de foot, et il n'hésite pas à mettre des coups de griffes.

À 88 ans, ce président n'a toujours pas tourné la page du protectorat. Même quand la France veut faire un geste et effacer une partie de la dette tunisienne, il faut négocier toute la semaine parce que le président se vexe, dit qu'il ne demande pas l'aumône et qu’il ne faudra pas compter sur lui pour dire merci. À la longue ça lasse, mais François Hollande, qui a dû relire Confucius et boire de la camomille dans la nuit, est resté d’un zen absolu.

Parmi les sujets de marotte du vieux président susceptible, il y a l'idée qu'il s'est mis en tête tout seul selon laquelle la France aurait soutenu le parti islamiste Ennahdha contre lui aux dernières élections ! Franchement on se demande bien d'où il sort ça. À moins qu'il n'ait interprété la neutralité de l'ambassadeur de France à Tunis François Gouyette, qui a maintenu le dialogue avec toutes les forces politiques comme de mauvaises manières. En gros pas d’ingérence hein, sauf si c’est pour m’aider… Une chose est sûre, Béji Caïd Essebsi a encore un peu de mal à se placer au-dessus de la mêlée

En fait, il aimerait que tout passe par lui, comme au bon vieux temps. Et que la France voit son pays en deux couleurs, avec les gentils laïcs (lui) et les affreux islamistes (les autres). Du coup, pendant la conférence de presse, paf, petit coup de griffes : "Tunisiens de France, respectez les lois, mais soyez de bons musulmans". Même le roi du Maroc, commandeur des croyants, n’aurait pas dit un truc pareil. Juste sur le sujet délicat du moment. Sympa Béji.

Ça s'appelle une pierre dans le jardin de son voisin. Vous vous mêlez de nos affaires (croit-il), je me mêle des vôtres. Et n'oubliez pas, en Tunisie, le patron c'est moi. Et bien non cher président, les patrons en Tunisie ce sont les tunisiens, c'est d'ailleurs pour ça qu'ils ont fait la révolution. »