Donald Trump: Le feu dans la demeure

Donald Trump: Le feu dans la demeure
Par Krimi Abderrazek                 
 
L’évènement de la semaine est sans conteste celui de l’élection de Donald Trump président des Etats Unis d’Amérique. Jamais l’élection d’un président américain n’a suscité autant de d’anxiété et de frayeur. Jamais l’ascension d’une nouvelle personnalité américaine des marches menant vers la Maison-Blanche n’a été accueillie avec autant d’écœurement de la part de la communauté internationale. 
 
Alliés comme « ennemis » n’ont pas caché leurs craintes, pour des raisons propres à chacune des parties concernées par cette ascension. Tout le monde se trouve contraint à féliciter une ascension qu’il aurait préféré qu’elle ne se produise. 
 
Quelques mois auparavant, envisager une pareille possibilité représentait le pire des cauchemars de qui hante la communauté internationale. Aujourd’hui, le cauchemar devient réalité. Donald Trump est bel et bien le nouveau président des Etats-Unis qui, dans deux mois, deviendra le nouveau « maitre du monde » à qui reviendra la tâche de faire la pluie et le beau temps dans toutes les contrées du monde. La seule certitude qui semble régner est que l’avenir proche sera fait de pluie plus que de beau temps.
 
Contre toute attente, il semble que c’est en Europe et particulièrement la France et l’Allemagne qui ont non seulement ressenti mais aussi exprimé ce ressentiment. Qui est ce Frankenstein au nom de Trump qui fait peur à tout le monde ? 
 
Certes, les medias internationaux n’ont pas fait d’économie quant à l’étalement du curriculum vitae de Trump et de l’itinéraire qui l’a amené à la Maison-Blanche, cependant, c’est les dessous de la carte qui sont les plus intéressants, et ce sont ces dessous qui expliquent ces réactions inattendues de la part des alliés mêmes des Etats-Unis.
 
Que représente Trump pour la politique et les relations internationales, en quoi son arrivée au pouvoir représente-t-elle une menace pour certains pays et certains équilibres mondiaux ? 
 
La grave erreur, aussi bien politique que diplomatique, digne d’un amateur, commise par le maître de l’Elysée, François Hollande qui s’est permis le « luxe » d’envoyer un e-mail de félicitation à Hilary Clinton avant même que le dépouillement des urnes ne soit terminé, croyant à une certaine victoire de cette dernière, a mis certainement l’administration Hollande dans un grand embarras. 
 
Par ailleurs, la réaction hostile à l’élection de Trump n’est pas uniquement venue du camp de la gauche française, mais aussi de celui de la droite. Quelques jours avant les élections du 8 novembre, Alain Juppé, maire de Bordeaux et l’un des principaux candidats aux élections présidentielles françaises de 2017, s’est déclaré favorable à Clinton plutôt qu’à Trump, estimant que les déclarations de ce dernier témoignent d’une « ignorance de l’état du monde », se permettant, devant « le jugement qu’il porte sur l’Europe et sur la France » d’appeler ses « amis américains à bien réfléchir à ce qu’ils vont faire ». 
 
Ces propos ont été exprimés sur Europe 1 le 17 octobre 2016 et que certains médias français se sont permis de rappeler pour peut être atténuer le poids de la bourde commise par l’Elysée et qui risque de donner le coup de grâce à l’espoir, aussi minime soit-il, de voir Hollande réélu pour un second mandat.
 
De sa part, Nicolas Sarkozy, lancé lui aussi dans la course pour l’investiture suprême française, n’a pas dérogé à cette position, déclarant clairement sa préférence à voir Hilary Clinton remporter ces élections. Tout ceci confirme que la position « précipitée » de l’Elysée ne peut être qualifiée de bourde que dans la mesure où il a choisi de féliciter la perdante des élections, chose qui n’est pas politiquement des moindres, mais sur le fond il exprime la tendance de toute la classe politique française, mis à part le FN de Marine Le Pen elle-même candidate aux présidentielles de 2017 et qui a émis, suite à la victoire électorale de Trump, le souhait d’être reçue à la Maison-Blanche. 
 
Ceci dit long sur les motifs du positionnement français vis-à-vis de la nouvelle présidence américaine, Donald Trump semble incarner Aux USA, ce qu’est Marine Le Pen en France, la xénophobie et l’isolationnisme. Et l’on se rappelle bien en France les élections présidentielles de 2002, ces élections où, pour la première fois de l’histoire de la république en France, un ultra nationaliste arrive au second tour des élections présidentielles. Un large bloc de démocrates et défenseurs des valeurs de la république s’est constitué pour soutenir l’unique candidat dans ce second tour qui incarne ces valeurs, en l’occurrence, Jaques Chirac.
 
Cependant, il faut noter aussi, qu’en réalité, cette argumentation qui a été basée sur la distinction entre les défenseurs de la république et ses « ennemis » n’est que la partie apparente de l’iceberg politique. Au fait, ce que la classe politique française craignait à cette époque-là, c’est qu’une éventuelle ascension au pourvoir des nationalistes ne remette en cause la dimension européenne de la France. C’est pourquoi, les Français ont, en 2002, échappé à un « Frexit » en se dressant en bloc contre le candidat Fn. 
 
Le contexte actuel est certes différent, mais le principe est le même. Trump, cet ultra nationaliste incarne, sur le niveau international, ce que Le Pen incarnait sur le niveau national, c’est-à-dire, un isolationnisme nationaliste américain, qui risque de compromettre les intérêts européens et par conséquent français. En effet, il devient de plus en plus évident depuis la crise financière mondiale de 2008. 
 
Les mesures préventives prises par les Etats-Unis et l’Europe, n’ont semble-t-il pas permis de redresser la barre. Bien au contraire, avec la conjoncture mondiale actuelle et les tensions internationales, la crise semble s’aggraver de plus en plus, et les risques d’un écroulement économique occidentale semblent de plus en plus plausibles. 
 
Avec l’élection de Donald Trump, les USA semblent opter pour la politique de sauvetage de la baraque américaine aux dépens des intérêts de l’Europe qui a été embarquée dans la politique expansionniste américaine ou elle a laissé des plumes. Avec l’élection de Trump, les USA vont laisser tomber leurs alliés et partenaires européens.
 
en effet, pour Trump, les Etats européens doivent contribuer au financement de leur défense sinon, « l’Europe doit se défendre toute seule », chose qui veut dire une réduction de la présence militaire américaine en Europe, la révision des traités de l’OTAN. D’ailleurs, sur l’antenne de ZDF, la ministre allemande de la Défense, Ursula Von der Leyne, a explicitement prononcé son inquiétude vis-à-vis des propos lancés par Trump lors de sa campagne électorale, lui suggérant de clarifier sa position. Elle pense que ses conseillers doivent lui dire et lui faire comprendre que « l’OTAN n’est pas un business, ce n’est pas une entreprise », ajoutant par la même occasion « j’ignore quelle importance il accorde à l’OTAN ».
 
Ce qui dérange le plus les Européens, la France et l’Allemagne surtout, c’est ce rapprochement déclaré avec la Russie du Président Poutine. Il faudrait se rappeler dans ce cadre, le caractère vital de la Russie pour l’Europe, notamment dans le domaine de l’approvisionnement de l’Europe en gaz. 
 
Un rapprochement Trump-Poutine représente ainsi une menace pour les intérêts de l’Europe lancée, sous l’impulsion américaine dans une politique hostile à la Russie surtout à propos de la question ukrainienne, du problème de la Crimée et notamment du conflit syrien. La ministre allemande suggérant à Trump de « dire clairement dans quel camp il est, s’il est du côté de la loi, de la paix et de la démocratie, ou s’il se fiche de tout ça et cherche plutôt un copain » (Le Monde.fr du 11 novembre 2016).  
 
La ministre allemande semble « déchiffrer » et mettre au clair les propos plus ou moins codés de sa chancelière Angela Merkel. Cette dernière, dénonçant une politique extérieure américaine « de moins en moins prévisible », n’a pas manqué de lui rappeler les valeurs sur la base desquelles ont été établies les relations américano-germaniques, à savoir, « la démocratie, la liberté, le respect du droit et de la dignité humaine, quels que soient l’origine, la couleur de peau, la religion, le sexe, l’orientation sexuelle ou les opinions politiques ». Pour elle, « celui qui dirige ce grand pays (en l’occurrence les USA), compte tenu de sa puissance économique considérable, de son potentiel militaire et de son rayonnement particulier, a une responsabilité vis-à-vis du reste du monde ». 
 
En tout état de cause, ces premières positions prises par les alliés européens ont été établies sur la base des intentions déclarées de Trump. Il reste à savoir si ces déclarations sont susceptibles d’être traduites sous la forme de politiques concrètes et de mesures réelles, ou bien s'il s’agit uniquement de déclarations démesurées poussées par un élan populiste digne d’une campagne électorale mais qui seront confrontées à la réalité des relations internationales que même le président du plus puissant Etat du monde est contraint de s’y résigner.
 
Sommes-nous ainsi en train d’assister au tout premier pas d’une nouvelle configuration géostratégique qui remettra en cause celle établie depuis la fin de la deuxième guerre mondiale ? 
 
Wait and see. De toutes les manières, la politique moderne ne dépend plus de la volonté, bonne ou mauvaise, d’un dirigeant, la réalité des faits peut infirmer tout a;volontarisme, aussi fort soit-il.
A.K.
 
 
 

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