Réunion du comité consultatif des affaires économiques et sociales : Incohérence quand tu nous tiens !
Dar Dhiafa à Carthage a abrité vendredi soir et samedi matin deux réunions qui sont focalisées sur le même sujet, le programme de réformes économiques et sociales dont la Tunisie a besoin pour la période à venir que ce soit jusqu’en 2035 pour la première ou pour les quarante prochaines années pour la seconde.
Pourtant en dehors de l’unité des lieux aucun lien n’a été observé entre les deux. Chacune des deux réunions s’est déroulée dans un cadre particulier sans rapport l’un avec l’autre.
Dans la première, la Cheffe du gouvernement Najla Bouden a dévoilé le programme national de réformes dans le cadre de la vision Tunisie 2035. Dans la seconde tenue dans le cadre du Comité consultatif pour la Nouvelle République, le président coordinateur de celui-ci Sadok Belaïd a demandé aux participants de proposer, par écrit, leurs conceptions et visions du pays pour les quarante années à venir en expliquant, impérativement, comment les traduire dans des textes constitutionnels et des institutions capables de les appliquer.
Aucun membre du gouvernement n’était présent à la seconde réunion, comme si les deux n’avaient rien à voir l’une avec l’autre. Comme si on était dans deux Etats différents, le premier dirigé par la présidence du gouvernement, le second sous la conduite de la présidence de la République.
Question cohérence, il ne s’agit pas du seul accroc. Si la réunion présidée par Najla Bouden est institutionnelle car se tenant dans le cadre d’un Etat bien défini, la seconde est l’exemple même de l’incohérence car on n’arrive pas à trouver des rapports entre les questions économiques et sociales et l’élaboration d’une constitution censée être en fin de compte présentée à l’approbation populaire à travers un référendum fixé au 25 juillet prochain.
Mais l’incohérence n’est pas seulement à ce niveau, elle est surtout dans l’aéropage des personnalités choisies et invitées à cette dernière réunion. Aucune cohérence ne peut être décelée dans ce groupe qui réunit des personnalités qui n’ont quasiment pas de dénominateurs communs les unes avec les autres. Pas de cohérence non plus dans le choix de ces personnalités dont on ne peut dire qu’elles sont d’une virginité politique qui leur permet de proclamer haut et fort qu’elles n’ont aucune responsabilité dans la « décennie noire » à laquelle le processus du 25 juillet veut mettre fin, ni dans l’héritage de l’ancien régime que cette décennie n’a fait que prolonger. Selon le président de la République Kaïs Saïed le 14 janvier n’a fait en fait que faire avorter le mouvement initié le 17 décembre, rappelle-t-on.
Des ministres ayant fait partie des gouvernements de la « décennie noire » ont été invités et appelés à formuler leur vision pour l’avenir du pays pour les quarante prochaines années. Parmi ceux-ci, il y a même un ancien ministre de la Santé et de la Formation professionnelle et de l’Emploi, Imed Hammami alors que le parti auquel il appartenait, le Mouvement Ennahdha précisément est considéré comme le principal responsable de cette décennie noire.
Mais il n’est le seul dans les gouvernements qui se sont succédé de 2011 à 2021 et qui ont une certaine responsabilité dans la situation où le pays se trouve. Abid Briki avait été ministre de la Fonction publique, Hatem Euchi était aussi ministre des Domaines de l’Etat alors que Zouhaier Meghzaoui outre le fait qu’il était député au Parlement dissous avait en qualité de secrétaire général du Mouvement Echaâb nommé deux ministres dans l’avant dernier gouvernement de la décennie noire.
Personne ne peut oublier non plus que le constituant et député du Parlement dissous, Mongi Rahoui était aussi président de la commission des Finances qui avait approuvé plusieurs lois des Finances de la décennie noire. On se rappelle d'ailleurs l'accolade qu'il a donnée à son collègue d'Ennahdha Habib Ellouze lorsque "la meilleure constitution du monde" a été adoptée , fruit d'un large consensus entre les différents groupes de l'ANC. Cette même constitution que l'on veut maintenant remplacer par une autre qui devait d'ailleurs être élaborée par un groupe dont ferait partie ce même Rahoui. Allez comprendre!
L’ex- députée Fatma Mseddi était aussi une figure marquante de la scène parlementaire que l’on veut oublier. Elle était aussi une représentante du tourisme parlementaire qui était un des maux dont on veut se débarrasser. A se demander aussi que fait un Ahmed Friâa dans cet aéropage. Si la compétence de l’homme de sciences ne peut être mise en doute, on ne peut oublier qu’il fut le dernier ministre de l’Intérieur de Ben Ali et un membre de différents gouvernements de l’ancien régime.
L’incohérence ne s’arrête pas là. Le président coordinateur a annoncé sans ciller que les 42 personnalités invitées ont toutes répondu présent malgré les pressions, mais on peut douter de sa parole puisque plusieurs parmi ceux qui ont reçu l’invitation l’ont décliné pour des raisons multiples et variées à commencer par le secrétaire général de l’UGTT Noureddine Taboubi dont le nom est inscrit d’ailleurs dans le décret portant création de la commission des affaires économiques et sociales issue du Haut comité consultatif pour une Nouvelle République
Sadok Belaïd a appelé les présents à délivrer par écrit leurs propositions dans deux feuillets, leur fixant d'ailleurs un deadline dans les prochaines 72 heures. Il semble s'être rétracté depuis car il s'est peut imaginé le professeur de droit qu'il était et qu'il n'est plus. Incohérence quand tu nous tiens! Le comble étant selon son président la commission qui s'est réunie n'est pas censée conduire le dialogue national.
RBR
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